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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 28.1883

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Nr. 1
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Jouin, Henry: Le Salon de 1883, [3], La sculpture
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https://doi.org/10.11588/diglit.24260#0070

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

de Sa mère. MM. Carlier, Michel et Turcan ont donc fait preuve d’une
grande audace en concevant un groupe composé de deux infirmes ! La
vigueur du modelé, le mouvement, une science myologique très réelle
recommandent l’œuvre de M. Carlier. Y!Aveugle de M. Michel a trop
présumé de ses forces : on dirait qu’il va fléchir. Cette réserve faite,
signalons l’intensité de vie et d’action profondément écrite sur le groupe
de M. Michel, aux proportions colossales. M. Turcan a été le mieux in-
spiré dans ce tournoi singulier. Ses personnages sont groupés avec un
grand art. Le paralytique a pris le bras de son porteur et permet à sa
main d'effleurer l’obstacle contre lequel il pourrait trébucher. Plein de
quiétude, ses grands yeux blancs dirigés vers le ciel, comme si leurs pru-
nelles éteintes devaient se rallumer sous l’action de la lumière, l’aveugle
marche d’un pas assuré. Son compagnon veille pour lui. Le regard du
paralytique est aux pieds de l’aveugle. L’opposition savante que .M. Tur-
can a voulu mettre dans la pose et dans le sentiment des têtes de ses
personnages lui fait honneur. Nous comprenons moins la dissemblance
établie par l’artiste entre le paralytique drapé et l’aveugle nu. Bien que
celui-ci soit un jeune homme doué par la nature de formes élégantes, et
celui-là un vieillard chez lequel il convenait sans doute d’atténuer cer-
taines parties du corps, la logique réclamait que l’un comme l’autre fus-
sent nus ou drapés.

Ce n’est ni un poète ni un conteur qui a inspiré M. Guillaume. C’est
la source de toute poésie que l’artiste a voulu symboliser dans l’image
sévère de la fille d’Achéloüs, Castalia, métamorphosée en fontaine par
Apollon. Assise sur une roche saillante du Parnasse, Castalie a le torse
découvert, les jambes drapées et pendantes. Sur la hanche droite de la
nymphe est une lyre qu’elle tient debout, prête à vibrer. Le bras gauche
pose sur l’urne traditionnelle d’où s’échappent les eaux généreuses qui
confèrent le don de poésie et de divination. De fière allure et de grandes
proportions, Castalie domine, dans son attitude d’immortelle, un pèlerin
fatigué, impuissant à atteindre la source qu’il convoite et sur laquelle il
attache un regard désespéré. Plus heureux, un génie ailé se joue dans la
nappe transparente où les Muses se désaltèrent. Deux amants, dans un
pli du rocher, recueillent quelques gouttes de l’eau magique ; un poète
médite au murmure de la fontaine.

Disons bien vite que l’alliance du réel et de la fiction est un écueil
contre lequel se brisent ordinairement les sculpteurs. Les formes tangibles
de la pierre ne prêtent pas à l’illusion avec autant de facilité que la cou-
leur. Une apparition, un songe, le voisinage d’un être imaginaire et d’un
être vivant sont d’une interprétation difficile en sculpture. Nous en avons
 
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