MADEMOISELLE DE FAUVEAU.
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d’élevé dans cette nature de femme si largement douée. Malgré le
tourbillon qui nous entraîne, il y a encore, Dieu merci, nombre
d’esprits qui retournent volontiers vers le passé et ne refusent pas
de rendre hommage aux dévouements désintéressés. D’ailleurs cette
figure disparue mérite doublement de fixer l’attention, tant par le
rôle politique qu’elle a joué que par les œuvres nombreuses qu’elle
a laissées.
Félicie de Fauveau a reçu de la nature toutes les qualités qui ont
fait son individualité; l’éducation n’a joué en elle qu’un rôle secon-
daire et nous verrons plus tard que sa sculpture la reflète dans les
deux types saillants de son caractère : indépendance et fidélité. Elle
avouait même, avec un peu d’amour-propre, qu’elle avait eu une
éducation des plus difficiles; qu’il avait fallu essayer pour elle toutes
sortes dépensions et qu’elle n’avait réussi dans aucune, son caractère
de fière indépendance ne lui permettant pas de se soumettre pacifi-
quement à la règle. La dernière maison où elle fut mise était tenue
par une demoiselle protégée de la famille Fould et qui avait réuni
huit ou dix élèves. Félicie y resta trois ans avec les sœurs du futur
ministre; elle avait même gardé un souvenir particulier de Mme Fur-
tado. Achille Fould venait jouer toutes les semaines avec ses sœurs,
et cette époque était si bien restée dans sa mémoire qu’après 1848,
quand il fut ministre, il envoya un bon de 10,000 francs à M,le de
Fauveau, lui demandant tel ouvrage de ses mains qu’il lui plairait
d’exécuter. Notre artiste remercia poliment mais renvoya l’argent.
C’est au foyer paternel qu’elle puisa de bonne heure les principes
d’une exaltation politique poussée à ses extrêmes limites. Quand on
n’est pas dévouée jusqu’à la folie, disait-elle plus tard, il ne faut pas s’en
mêler. Son père la prenait, petite enfant, sur ses genoux et lui
inculquait dans cette éducation de tous les instants la haine de
l’usurpation et le culte de la légitimité; il mourut en 1822 d’une
colère politique, suivant son expression. Sa mère n’était pas moins
exaltée. Celle qui fondait son argenterie pour envoyer à sa fille en
Vendée, des balles et de la poudre, a dû influer beaucoup sur l’étrange
originalité de sa vie. Le reste de la famille, bien que légitimiste, était
loin d’égaler l’ardeur des sentiments de M. et de Mme de Fauveau.
La grand’mère maternelle, Mmc de La Pierre, qui vivait en Normandie
dans sa terre de Hautot près de Sahur, sur le bord de la Seine,
parait même avoir fortement blâmé les tendances indépendantes et
artistiques de sa petite-fille. Elle aurait voulu la marier, en faire
une bonne mère de famille; mais la jeune fille bondissait à cette
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XXXV. — 2e PÉRIODE.
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d’élevé dans cette nature de femme si largement douée. Malgré le
tourbillon qui nous entraîne, il y a encore, Dieu merci, nombre
d’esprits qui retournent volontiers vers le passé et ne refusent pas
de rendre hommage aux dévouements désintéressés. D’ailleurs cette
figure disparue mérite doublement de fixer l’attention, tant par le
rôle politique qu’elle a joué que par les œuvres nombreuses qu’elle
a laissées.
Félicie de Fauveau a reçu de la nature toutes les qualités qui ont
fait son individualité; l’éducation n’a joué en elle qu’un rôle secon-
daire et nous verrons plus tard que sa sculpture la reflète dans les
deux types saillants de son caractère : indépendance et fidélité. Elle
avouait même, avec un peu d’amour-propre, qu’elle avait eu une
éducation des plus difficiles; qu’il avait fallu essayer pour elle toutes
sortes dépensions et qu’elle n’avait réussi dans aucune, son caractère
de fière indépendance ne lui permettant pas de se soumettre pacifi-
quement à la règle. La dernière maison où elle fut mise était tenue
par une demoiselle protégée de la famille Fould et qui avait réuni
huit ou dix élèves. Félicie y resta trois ans avec les sœurs du futur
ministre; elle avait même gardé un souvenir particulier de Mme Fur-
tado. Achille Fould venait jouer toutes les semaines avec ses sœurs,
et cette époque était si bien restée dans sa mémoire qu’après 1848,
quand il fut ministre, il envoya un bon de 10,000 francs à M,le de
Fauveau, lui demandant tel ouvrage de ses mains qu’il lui plairait
d’exécuter. Notre artiste remercia poliment mais renvoya l’argent.
C’est au foyer paternel qu’elle puisa de bonne heure les principes
d’une exaltation politique poussée à ses extrêmes limites. Quand on
n’est pas dévouée jusqu’à la folie, disait-elle plus tard, il ne faut pas s’en
mêler. Son père la prenait, petite enfant, sur ses genoux et lui
inculquait dans cette éducation de tous les instants la haine de
l’usurpation et le culte de la légitimité; il mourut en 1822 d’une
colère politique, suivant son expression. Sa mère n’était pas moins
exaltée. Celle qui fondait son argenterie pour envoyer à sa fille en
Vendée, des balles et de la poudre, a dû influer beaucoup sur l’étrange
originalité de sa vie. Le reste de la famille, bien que légitimiste, était
loin d’égaler l’ardeur des sentiments de M. et de Mme de Fauveau.
La grand’mère maternelle, Mmc de La Pierre, qui vivait en Normandie
dans sa terre de Hautot près de Sahur, sur le bord de la Seine,
parait même avoir fortement blâmé les tendances indépendantes et
artistiques de sa petite-fille. Elle aurait voulu la marier, en faire
une bonne mère de famille; mais la jeune fille bondissait à cette
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