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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 36.1887

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Nr. 1
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Hamel, Maurice: Salon de 1887, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24190#0046

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36

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

dence du relief et par la suffisance du métier. L’ennuyeux et le vul-
gaire fixés dans les matières dures faites pour l’éternité nous irritent
par l’antithèse d’une mise en œuvre laborieuse et d’une imagination
misérable. Le bronze et le marbre se refusent à l’insignifiance : s’ils
ne savent nous enchanter par la grandeur du caractère, ou par la
grâce des contours, s’ils reproduisent platement des formes quelcon-
ques, on éprouve devant eux comme le dégoût d’une sottise indélébile.

Presque toujours isolée de l’architecture et d’un ensemble décora-
tif, dépourvue par cela même d’un principe ornemental, la sculpture
contemporaine abuse du morceau de Musée, du bon devoir qui vise la
récompense officielle. De là cette dépense du talent en travaux esti-
mables qui ne s’imposent nullement par un caractère de nécessité; de
là cette production énorme qui fatigue par le vague des intentions et
le manque de proportions entre l’effort et le résultat; en un mot,
malgré des exceptions brillantes et la belle tenue de l’ensemble, une
surabondance de banalités. Prises en elles-mêmes presque toutes ces
œuvres valent quelque chose, mais beaucoup d’entre elles ne veulent
rien, et l’art ne vit que de volontés bien définies. Ainsi plus d’un
artiste va jusqu’au chef-d’œuvre de maîtrise au sens où l’entendaient
les corporations, puis s’arrête ou bien tourne en rond et répète indé-
finiment des formes apprises. On est partagé entre le désir de rendre
justice à tant d’efforts honnêtes et le regret de les juger superflus.
On éprouve à la longue une sorte de malaise à dévisager ces blancs
fantômes qui étalent des grâces inutiles et semblent jouer une comédie
dont nous ne comprenons plus les paroles. Tel bon sculpteur aurait
en d’autres temps apporté sa pierre à l’édifice, participé selon la
mesure de ses forces à quelque œuvre d’ensemble; mais persuadé
qu’il a quelque chose là, il s’isole dans un égoïsme orgueilleux, il
règne sur son lopin de talent; il aboutit au médiocre alors que l’exquis
seul porte en lui-même sa raison d’être. Car l’œuvre d’art conçue en
dehors de toute donnée pratique ne s’adresse qu’au dilettante et le
dilettante est exigeant par définition. Il veut être surpris par une
vision imprévue, ou subjugué par un charme despotique, sans quoi
il sourira de la fatuité de l’honnête exécutant qui veut passer pour
un soliste.

Ainsi bien des forces dont on eût tiré parti se dilapident, et l’art
s’émiette en tentatives morcelées. Il en résulte que nos places, nos
jardins et nos monuments sont peuplés de statues fort bigarrées, dont
quelques-unes seulement sont des œuvres durables, que nos Musées
regorgent de promesses dont plusieurs n’ont pas été tenues, que notre
 
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