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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 36.1887

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Nr. 4
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Renan, Ary: Torcello, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24190#0322

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TORGELLO

(premier article.)

L’ilot de Torcello, à deux heures à peine de
Venise vers le nord, est une petite terre toute
riante, semblable à un paquet d’algues marines
arrêtées par le calme plat dans les eaux mortes
de la lagune. Quand on a dépassé Murano,
Burano et Masorbo, on aperçoit un campanile
élancé dont l’image se brise et se recompose
au gré des courants dans un miroir glauque et
morne. Ce campanile est droit; aucun boulet
autrichien ne La frappé; mais la paroisse, où est-elle?

Depuis des siècles, Torcello n’est presque plus qu’un nom. On
sent, en posant le pied sur cet étroit domaine, que les joncs et les
buissons bas environnants exhalent cette sorte de malaria à laquelle
sont voués les lieux à jamais déchus. Et certes, ici, la déchéance est
irrémédiable, éternelle. L’œuvre de l’homme y paraît caduque et
moisie; le salpêtre et la mousse s’accrochent aux vieux murs; de
misérables casuppole bordent le petit débarcadère, où quelques colons
attendent l’étranger avec l’indifférence qu’il mérite, en tissant des
filets et en mangeant de belles grenades. Dans les ni invisibles
passent de pauvres voiles rouges qui ont l’air de fendre les prés et
de passer entre les arbres des vergers; çà et là, un chapiteau, une
croix grecque brisée, une margelle de puits en marbre percent les
hautes herbes... Un inconcevable silence règne sur cette nature
prodigue; on prévoit qu’un jour elle recouvrira les ruines mêmes du
dernier campanile d’un manteau de ronces et d’orties.

Torcello est un microcosme dont l’histoire est comme un abrégé
frappant d’histoires plus grandes et plus célèbres; on l’embrasse
 
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