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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 36.1887

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Nr. 1
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Phillips, Claude: Exposition d'été de la Royal Academy et de la Grosvenor Gallery: correspondance d'Angleterre
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https://doi.org/10.11588/diglit.24190#0095

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CORRESPONDANCE D’ANGLETERRE.

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à même de constater sans doute certains progrès dans la pratique matérielle de
la peinture. Mais jamais nos peintres indigènes, tout amoureux qu’ils paraissent
être pour le moment de l’énergie primesautière, des raffinements excentriques,
des procédés hardis et neufs de certains ateliers parisiens, ne pourront sentir
comme les peintres qu’ils s’efforcent de suivre, ni puiser aux mêmes sources
d’inspiration. Ils ne pourront, tout au plus, que les imiter habilement, mais sans
une sincérité absolue; et ce n’est pas là un progrès réel, dont les résultats pour-
ront s’étendre et fructifier de façon à rajeunir notre École. Tout autres sont les
brillants artistes américains, MM. Sargent et Alex. Harrison, qui ont prêté à cette
réunion anglaise leur vigoureux appui; ceux-là, comme presque tous les peintres
marquants de leur nation, ont une finesse de sensations optiques et une délica-
tesse de tempérament qui leur permettent d’approcher davantage des conceptions
de l’art français; mais, d’autre part, ils ne peuvent réussir à s’assimiler complè-
tement les qualités de tendresse et de poésie naturelle, qui rachètent souvent
l’insuffisance de nos moyens matériels.

En ce qui concerne le grand art, la grande décoration, la grande peinture
religieuse et historique, il faut avouer qu’il n’y a à constater aucun progrès sen-
sible. Le président de l’Academy, sir F. Leighton, montre les ressources de son
talent si connu dans deux échantillons fort importants du style quasi-classique qui
lui est propre : ce sont Héro attendant Léandre, et la Jalousie de la sorcière Simœtha.
Ces toiles se distinguent, comme tout ce que produit le maître, par la recherche
de la forme sculpturale, par une espèce d’enthousiasme à froid, qui ne remplace
que très imparfaitement la vraie chaleur du sentiment, la véritable entente du
grand style appuyé sur une étude intime delà nature. Sa figure de Héro est une con-
ception qui ne manque, ni d’une certaine dignité, ni d’un certain aspect tragique;
mais elle laissera le spectateur assez froid, parce qu’elle est de pure convention, et
n’est même pas une représentation idéalisée de la vérité.

M. Alma-Tadéma ne réussit pas davantage à nous émouvoir avec l’admirable
tableau de genre classique dans lequel il s’est efforcé de représenter une bande de
Ménades — ou Thyades comme il appelle — qui, s’étant égarées dans la ville
ennemie d’Amphissa, se sont endormies, après un accès de délire, au milieu de la
place publique. Là les matrones de l’endroit, prises de pitié pour les possédées de
Dionysios, sont venues les protéger contre l’insulte et les secourir, avant de les
renvoyer dans leur pays. Dans ces groupes, ou plutôt cette chaîne habilement
construite, de Bacchantes moitié réveillées, moitié assoupies encore, il y aurait bien
des beautés à signaler : modelé exquis de ces têtes blondes, trop fraîches et trop
reposées pour celles des terribles prêtresses que le souffle de leur divinité a momen-
tanément abandonnées ; harmonie générale dans le désordre savant des attitudes
diverses. Mais le côté humain du sujet n’a été qu’imparfaitement compris; le
contraste qu’on aurait pu rendre saisissant et dramatique entre les matrones
d’Amphissa, pures et calmes dans l’expression de leur pitié, et les Ménades por-
tant encore sur leurs traits l’empreinte de leur tragique désordre, est à peine
indiqué. Nous n’avons devant les yeux qu’un remarquable tableau de genre,
auquel l’incident choisi par le peintre sert de prétexte.

M. Armitage envoie une grande décoration murale d’aspect sévère, de sentiment
austère, Saint François d’Assise devant le Pape Innocent III; l’honorable J. Collier
une Sorcière, classique et belle dans sa nudité expressive, quoique les lueurs des
 
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