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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 36.1887

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Nr. 3
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Rod, Édouard: Les préraphaélites anglais, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24190#0206

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180

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

Aucun des maîtres alors en vogue ne pouvait les satisfaire entiè-
rement : Etty, le plus respecté de tous, « peignait des sujets classiques
avec le goût d’un colleur de papier parisien »; Mulready dessinait
sans hardiesse et sacrifiait tout à l’élégance; Maclise était trop sou-
vent entraîné par son goût pour les « vulgarités mélodramatiques »;
Leslie avait ses qualités gâtées par un style de miniaturiste; William
Dyce, « le plus cultivé des peintres d’alors », avait interrompu sa
carrière et l’avait reprise quand il était déjà trop tard pour son génie.

Ce sont là quelques-uns des jugements de Holman Hunt sur ceux
auxquels il aurait pu demander de lui servir de maîtres. Rossetti,
nous l’avons vu, s’était adressé à Madox Brown, presque son cama-
rade. Ils se trouvaient donc en quelque sorte forcés de pourvoir par
eux-mêmes à leur éducation, et bien placés pour découvrir un art
indépendant. Holman Hunt fut mis sur la voie par un hasard : un
jour, pendant qu’il copiait le « Violoniste aveugle », un ancien élève
de Wilkie lui fit remarquer que le maître l’avait peint sans couleur
morte, en achevant chaque morceau comme dans les fresques; son
attention fut ainsi attirée, indirectement, sur la pureté de travail
des quatre artistes : « Ce fut une révélation pour moi, dit-il, et je
commençai à attribuer la pureté de leur travail à la discipline de
manipulation à coup sûr que la fresque leur avait donnée et j’essayai
de renoncer à la manière relâchée à laquelle j’avais été formé, et qui
était universelle à cette époque, pour adopter ce procédé de peinture
qui ne laissait aucune excuse à un faux trait. Je n’étais pas capable
de réussir complètement, mais le goût d’un travail soigné, de formes
et de nuances nettes (demi), augmenta en moi, et l’œuvre des quatre-
centistes comme je le vis dans les Francia, les Garofalo, les Van Eyck
et autres, me devint plus chère à mesure que je progressai dans
l’essai de purifier mon style. » La lecture des Peintres modernes, de
Ruskin, qu’il fit à la même époque, acheva de convaincre Holman
Hunt de la nécessité de l’exactitude absolue du détail, à laquelle les
plus grands maîtres s’étaient soumis, sans jamais permettre à leur
pinceau « l’incertitude ni l’obscurité ». L’éminent esthéticien, en
effet, avait trouvé et réuni des expressions précises et des exemples
frappants pour formuler l’idéal encore vague qu’entrevoyait le jeune
peintre : « Quand Salvator, disait-il, met sur son premier plan une
chose de laquelle je ne puis dire si elle est du granit, de l’ardoise ou
du tuf, je déclare qu’il n’y a là ni union harmonieuse, ni simplicité
d’effet, mais seulement monstruosité pure. » Et à cet exemple
d’obscurité, il opposait le Bacchus et Ariane du Titien, où l’on peut
 
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