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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 36.1887

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Nr. 5
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Müntz, Eugène: Les tombeaux des papes en France, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24190#0412

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368

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

Pierre Rainallucio, né à Corbière, dans les Abruzzes, ne fut, il est
vrai, qu’un semblant d’antipape : il devait son élévation, non au vote
d’une minorité des membres du sacré Collège, mais uniquement au
choix qu’avait fait de lui Louis le Bavarois. C’était, dit l’historien de
Jean XXII1, un homme faible de caractère, d’une intelligence com-
mune ; ancien frère mineur, il avait quitté son ordre pour se joindre
aux Fraticelles. Pour s’entourer de quelque apparence d’autorité il
créa, le lendemain de son intronisation, un certain nombre de car-
dinaux, dont la plupart appartenaient comme lui à la secte des Fra-
ticelles. N’importe ! dans l’état de trouble où se trouvaient Rome et
l’Italie entière, une telle usurpation créait les plus sérieuses diffi-
cultés au pape légitime. Nommé le 12 mai 1328, couronné à Saint-
Pierre le 22 mai suivant, Nicolas Y couronna à son tour empereur
Louis de Bavière. Mais leur triomphe à tous deux fut de courte durée.
L’apparition du roi Robert de Naples, qui se préparait, à la tête d’une
puissante armée, à investir la Ville éternelle, les obligea de prendre
la fuite. Abandonné par l’empereur, qui retourna en Allemagne,
Pierre Rainallucio erra tristement de ville en ville; enfin, de guerre
lasse, il résolut de faire sa soumission et écrivit à Jean XXII la lettre
la plus humble. Celui-ci, qui sentait combien il importait d’étouffer
le schisme dans son germe, fit l’accueil le plus favorable à sa requête ;
le 4 août 1430, Pierre quitta sa retraite, le 24 août suivant il arrivait
à Avignon où, dès le lendemain, il fit amende honorable devant le
consistoire. A peine entré, dit M. l’abbé Verlaque, il se précipita
aux genoux du pape, fondant en larmes, suffoqué par les sanglots.
Jean le releva avec bonté, et ayant détaché lui-même la corde que
l’antipape portait au cou, il l’admit au baiser des pieds et l’embrassa.
Après lui avoir donné l’absolution définitive, il lui assigna pour
logement ou plutôt pour prison une partie du palais. Il y fut traité
en ami, mais gardé en ennemi : « tractatus ut familiaris, sed custo-
ditus ut liostis. » Pierre eut le loisir d’y réfléchir sur la vanité des
grandeurs humaines. Après trois années de retraite, il mourut en
1333, une année avant Jean XXII; il fut enterré aux Cordeliers,
revêtu de leur habit et placé dans la sépulture des Frères. Les Bollan-
distes ont fait, en 1685, de vaines recherches pour retrouver quelque
trace de sa sépulture 1 2 ; Jean XXII et ses successeurs avaient eu trop
d’intérêt à effacer jusqu’au souvenir de l’usurpateur.

1. Verlaque, Jean XXII, sa vie et ses œuvres. Paris, 1883.

2. Propylœum, t. II, p. 82. Yoy. aussi le recueil de Deveras, ms B., p. 146.
 
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