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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
qui ont été brisées en 1562. La statue de Clément VI est un bel
exemple de la sculpture du xive siècle : l’auteur de ce monument —
on sait qu’il s’appelait Pierre Roye — n’était pas esclave de l’idéal qui
altère les formes en les généralisant. Il connaissait bien Clément VI
et certains détails, la courbure du nez par exemple, prouvent qu’il a
voulu faire un portrait.
Malgré les dévastations que l’église a subies, les curiosités restent
encore nombreuses dans la nef. L’une des plus touchantes est la série
des stalles où s’asseyaient les moines. On ne sait pas exactement à
quelle date remonte l’exécution de ce grand travail de menuiserie
sculptée. Dans son livre sur le Meuble, M. de Champeaux signale ces
stalles fameuses comme les plus importantes qui nous restent de la
fin du xive siècle L Taillées dans un hois de chêne qui est devenu
d’un brun presque noir, elles s’étagent en deux rangées, les sièges
supérieurs étant destinés aux moines; ceux du premier rang aux
novices et aux frères lais. En général l’ornementation est simple,
mais elle reste fidèle à l’esprit du temps, par le rôle qu’elle fait jouer
au motif satirique. Des personnes et des choses qui, dans une église,
sembleraient avoir droit à quelque respect, sont traitées avec une
évidente irrévérence. Ici certains animaux peu religieux, le singe et
le porc, apparaissent affublés du froc monacal; là ce sont des figures
de fantaisie et des monstres à intention comique. Toute cette ima-
gerie de bois est taillée avec une décision superbe et une parfaite
sûreté; le caractère des têtes est tout à fait large et d’un beau style.
D’après M. de Champeaux, une tradition locale attribuerait « ce grand
travail de hucherie aux moines de 1’abbaye qui auraient été d’habiles
sculpteurs sur bois et dont l’atelier serait resté en activité jusqu’au
xvie siècle ».
Ces observations répondent d’une façon topique à une autre tra-
dition dont on retrouve l’écho dans une brochure publiée en 1881,
par M. l’abbé Bonnefoy 5 ; l’écrivain du pays assure que les stalles de
la Chaise-Dieu auraient été établies par les soins de Jacques de Saint-
Nectaire, qui devint abbé en juin 1491 et dont le gouvernement
correspond en partie au règne de Louis XII. L’abbé Bonnefoy indique
bien que le personnage était puissamment inspiré de l’esprit de la
Renaissance quant il l’appelle « le Léon X de la Chaise-Dieu ». Le
mot semble un peu gros. L’abbé Bonnefoy ajoute, sans citer son
autorité, que ces belles stalles sont l’œuvre d’un sculpteur flamand.
1. Le Meuble, 1, p. 84.
2. L’Abbaye de Saint-Robert de la Chaise-Dieu, Le Puy, 1881.
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qui ont été brisées en 1562. La statue de Clément VI est un bel
exemple de la sculpture du xive siècle : l’auteur de ce monument —
on sait qu’il s’appelait Pierre Roye — n’était pas esclave de l’idéal qui
altère les formes en les généralisant. Il connaissait bien Clément VI
et certains détails, la courbure du nez par exemple, prouvent qu’il a
voulu faire un portrait.
Malgré les dévastations que l’église a subies, les curiosités restent
encore nombreuses dans la nef. L’une des plus touchantes est la série
des stalles où s’asseyaient les moines. On ne sait pas exactement à
quelle date remonte l’exécution de ce grand travail de menuiserie
sculptée. Dans son livre sur le Meuble, M. de Champeaux signale ces
stalles fameuses comme les plus importantes qui nous restent de la
fin du xive siècle L Taillées dans un hois de chêne qui est devenu
d’un brun presque noir, elles s’étagent en deux rangées, les sièges
supérieurs étant destinés aux moines; ceux du premier rang aux
novices et aux frères lais. En général l’ornementation est simple,
mais elle reste fidèle à l’esprit du temps, par le rôle qu’elle fait jouer
au motif satirique. Des personnes et des choses qui, dans une église,
sembleraient avoir droit à quelque respect, sont traitées avec une
évidente irrévérence. Ici certains animaux peu religieux, le singe et
le porc, apparaissent affublés du froc monacal; là ce sont des figures
de fantaisie et des monstres à intention comique. Toute cette ima-
gerie de bois est taillée avec une décision superbe et une parfaite
sûreté; le caractère des têtes est tout à fait large et d’un beau style.
D’après M. de Champeaux, une tradition locale attribuerait « ce grand
travail de hucherie aux moines de 1’abbaye qui auraient été d’habiles
sculpteurs sur bois et dont l’atelier serait resté en activité jusqu’au
xvie siècle ».
Ces observations répondent d’une façon topique à une autre tra-
dition dont on retrouve l’écho dans une brochure publiée en 1881,
par M. l’abbé Bonnefoy 5 ; l’écrivain du pays assure que les stalles de
la Chaise-Dieu auraient été établies par les soins de Jacques de Saint-
Nectaire, qui devint abbé en juin 1491 et dont le gouvernement
correspond en partie au règne de Louis XII. L’abbé Bonnefoy indique
bien que le personnage était puissamment inspiré de l’esprit de la
Renaissance quant il l’appelle « le Léon X de la Chaise-Dieu ». Le
mot semble un peu gros. L’abbé Bonnefoy ajoute, sans citer son
autorité, que ces belles stalles sont l’œuvre d’un sculpteur flamand.
1. Le Meuble, 1, p. 84.
2. L’Abbaye de Saint-Robert de la Chaise-Dieu, Le Puy, 1881.