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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
d’Anjou ne serait-elle point une preuve que l’artiste devait sa fortune
à ce prince?
En 1585 Jean Decourt fit le portrait de la duchesse de Guise et
reçut quatre-vingt-dix livres pour ce travail1. A cette époque il n’était
plus jeune, ayant un fils valet de chambre du roi. Sa pension annuelle
était de 400 livres, la même que celle d’Androuet du Cerceau, son
camarade2 ; deux autres peintres, Jacques et Jean Patin, un sculpteur,
Germain Pilon, complétaient la liste des artistes royaux en 1584 3.
Decourt dut, àl’instar de Clouet,fairedenombreuxportraits au crayon,
procédé dont les artistes tiraient alors grand profit eu égard à sa
facilité. Nous allons poser ici un point d’interrogation et entreprendre
de résoudre un nouveau problème. Decourt a-t-il laissé une œuvre
soit dessinée, soit peinte, dont la paternité ne puisse lui être contestée?
Nous croyons avoir trouvé des dessins de lui; notre croyance
repose, il est vrai, sur des données bien aléatoires. Il s’agit d’un
simple monogramme en lettres entrelacées, tracé à l’encre sur
un des plus remarquables crayons de la Bibliothèque Nationale. Ce
monogramme est composé des trois lettres I. D. C., disposées exacte-
ment comme le sont le I. D. G. de Jean de Gourmont4. Nous avons lu
ce chiffre Jean de Court, et par la signature de l’émail de M. de Nieu-
werkerke, nous savons que Decourt signait ainsi. Nous avons contre
nous des objections très sérieuses venant d’érudits des plus compé-
tents à qui nous avons soumis le cas. L’un tient pour Jean de
Gourmont, l’autre pour Cosme Dumonstier invenit. Jean de Gourmont
et Cosme Dumonstier sont tous deux assez bien en date, le dessin
étant de 1580 environ, mais ils commençaient, ils n’avaient point
encore atteint cette maturité, si appréciable dans notre dessin et
dans ceux de la même main aussi conservés à la Bibliothèque5; Jean
Decourt au contraire, né probablement vers 1530 et qui avait déjà un
fils attaché à la cour, comme nous l’avons dit, touchait à la cinquan-
taine et devait être en pleine possession de son talent. Dans tous les
1. De Laborde, Renaissance des Arts, I, p. 253.
2. Je cite en entier d’après le ms 21670, fol. 20 v° de la Bib. Nat., un passage
qui n’a pas été publié : « À Jean de Court vallct de chambre et painctre ordinaire
dudict seigneur (Henri III) la somme de cent escus sol, à luy ordonnes pour la
pention et entretenement qu'il plaist à Sa Majesté luy donner durant le quart de
janvier, février et mars derrenier passé qui est à raison de IIIP liv. par an cy. C liv.»
3. Bib. Nat., ms Clairambault 1216.
4. Cf. Brulliot, Dictionnaire des Monogrammes, lre partie, n° 1558 et sup-
plément n° 192. Voy. aussi Bartsch, Peint. Grav., IX, p. 421.
5. Il y a aux Estampes cinq ou six crayons de cette main.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
d’Anjou ne serait-elle point une preuve que l’artiste devait sa fortune
à ce prince?
En 1585 Jean Decourt fit le portrait de la duchesse de Guise et
reçut quatre-vingt-dix livres pour ce travail1. A cette époque il n’était
plus jeune, ayant un fils valet de chambre du roi. Sa pension annuelle
était de 400 livres, la même que celle d’Androuet du Cerceau, son
camarade2 ; deux autres peintres, Jacques et Jean Patin, un sculpteur,
Germain Pilon, complétaient la liste des artistes royaux en 1584 3.
Decourt dut, àl’instar de Clouet,fairedenombreuxportraits au crayon,
procédé dont les artistes tiraient alors grand profit eu égard à sa
facilité. Nous allons poser ici un point d’interrogation et entreprendre
de résoudre un nouveau problème. Decourt a-t-il laissé une œuvre
soit dessinée, soit peinte, dont la paternité ne puisse lui être contestée?
Nous croyons avoir trouvé des dessins de lui; notre croyance
repose, il est vrai, sur des données bien aléatoires. Il s’agit d’un
simple monogramme en lettres entrelacées, tracé à l’encre sur
un des plus remarquables crayons de la Bibliothèque Nationale. Ce
monogramme est composé des trois lettres I. D. C., disposées exacte-
ment comme le sont le I. D. G. de Jean de Gourmont4. Nous avons lu
ce chiffre Jean de Court, et par la signature de l’émail de M. de Nieu-
werkerke, nous savons que Decourt signait ainsi. Nous avons contre
nous des objections très sérieuses venant d’érudits des plus compé-
tents à qui nous avons soumis le cas. L’un tient pour Jean de
Gourmont, l’autre pour Cosme Dumonstier invenit. Jean de Gourmont
et Cosme Dumonstier sont tous deux assez bien en date, le dessin
étant de 1580 environ, mais ils commençaient, ils n’avaient point
encore atteint cette maturité, si appréciable dans notre dessin et
dans ceux de la même main aussi conservés à la Bibliothèque5; Jean
Decourt au contraire, né probablement vers 1530 et qui avait déjà un
fils attaché à la cour, comme nous l’avons dit, touchait à la cinquan-
taine et devait être en pleine possession de son talent. Dans tous les
1. De Laborde, Renaissance des Arts, I, p. 253.
2. Je cite en entier d’après le ms 21670, fol. 20 v° de la Bib. Nat., un passage
qui n’a pas été publié : « À Jean de Court vallct de chambre et painctre ordinaire
dudict seigneur (Henri III) la somme de cent escus sol, à luy ordonnes pour la
pention et entretenement qu'il plaist à Sa Majesté luy donner durant le quart de
janvier, février et mars derrenier passé qui est à raison de IIIP liv. par an cy. C liv.»
3. Bib. Nat., ms Clairambault 1216.
4. Cf. Brulliot, Dictionnaire des Monogrammes, lre partie, n° 1558 et sup-
plément n° 192. Voy. aussi Bartsch, Peint. Grav., IX, p. 421.
5. Il y a aux Estampes cinq ou six crayons de cette main.