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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
dirait que trois nymphes, les nourrices d’Apollon, habitaient le mont
Parnasse et y rendaient des oracles; pour les consulter, on s’appro-
chait de leur autel et on y jouait aux osselets. Les mêmes nymphes
avaient un oracle près d’Athènes, dans la plaine Thriasienne. L’idée
de représenter ce jeu, qui est aussi le jeu des trois Grâces, et d’y
faire intervenir les déesses qui tenaient l’oracle, serait donc naturelle
et bien dans le goût antique. Il y a trente ans, un tel rapprochement
entre une oeuvre d’art et un passage trouvé par hasard dans quelque
auteur obscur *, aurait eu un succès incontesté. Mais, aujourd’hui,
les explications savantes sont peu goûtées, et la plus simple parait la
meilleure. Longtemps avant les découvertes de Tanagra, on connais-
sait un dessin sur marbre, trouvé à Herculanum et que la signature
du peintre, Alexandre d’Athènes, a rendu célèbre. Ce dessin, qui est
un original et un chef-d’œuvre, quoi que tout le monde le prenne
pour une copie médiocre, représente cinq jeunes filles faisant leur
partie d’osselets ; les noms qu’elles portent sont des noms de déesses
et d’héroïnes, mais conviennent aussi bien à des mortelles 1 2. Un
groupe d’Asie, enterre cuite, réunit quatre joueuses d’osselets autour
d’un tombeau, caractérisé par l’urne funéraire qui couronne la stèle3 4.
D'autres groupes 11e se composent que de deux femmes, et, plus
souvent encore, la joueuse d’osselets est seule. Mme Darthès possède
les plus beaux exemplaires de ce motif aimable. Que fait la joueuse
qui n’a pas de partenaire? Elle consulte l’oracle d’amour, avec toute
la grâce et l’innocence des jeunes filles qui effeuillent une marguerite.
Je voudrais rester sur ce thème que l’art grec ne traite pas d’ordi-
naire. Quant aux qualités du groupe, que nous avons fait reproduire
par l’excellent procédé de M. Dujardin, les lecteurs de la Gazelle
les trouveront d’eux-mêmes. Comme nous, ils admireront cette har-
monie des lignes, cette distinction et cette mesure dans la pose et
le geste, ces têtes si jolies, ces draperies si bien adaptées, et par-
dessus tout cette fraîcheur de poésie et de sentiment. Combien a-t-011
vu de terres-cuites qui soient plus sympathiques?
La terre-cuite prend ses modèles et ses motifs oû il lui plaît, en
haut, en bas, à tous les étages de la société. On peut le voir par une
autre figurine, la Jongleuse\ qui se dispose à sauter à travers un
1. Anecdota grœca d’immanuel Bekker, t. I, 265.
2. On n’a pas encore remarqué que ces noms, ’AyXouri Ayjtw Ni6[3yi (I>ch(A] T)iaipa,
forment un hexamètre.
3. Collection Camille Lecuyer, pi. O5; article de M. Cartault.
4. Publiée dans la Gazette (t. XXVIII, 2e pér., p. 359).
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
dirait que trois nymphes, les nourrices d’Apollon, habitaient le mont
Parnasse et y rendaient des oracles; pour les consulter, on s’appro-
chait de leur autel et on y jouait aux osselets. Les mêmes nymphes
avaient un oracle près d’Athènes, dans la plaine Thriasienne. L’idée
de représenter ce jeu, qui est aussi le jeu des trois Grâces, et d’y
faire intervenir les déesses qui tenaient l’oracle, serait donc naturelle
et bien dans le goût antique. Il y a trente ans, un tel rapprochement
entre une oeuvre d’art et un passage trouvé par hasard dans quelque
auteur obscur *, aurait eu un succès incontesté. Mais, aujourd’hui,
les explications savantes sont peu goûtées, et la plus simple parait la
meilleure. Longtemps avant les découvertes de Tanagra, on connais-
sait un dessin sur marbre, trouvé à Herculanum et que la signature
du peintre, Alexandre d’Athènes, a rendu célèbre. Ce dessin, qui est
un original et un chef-d’œuvre, quoi que tout le monde le prenne
pour une copie médiocre, représente cinq jeunes filles faisant leur
partie d’osselets ; les noms qu’elles portent sont des noms de déesses
et d’héroïnes, mais conviennent aussi bien à des mortelles 1 2. Un
groupe d’Asie, enterre cuite, réunit quatre joueuses d’osselets autour
d’un tombeau, caractérisé par l’urne funéraire qui couronne la stèle3 4.
D'autres groupes 11e se composent que de deux femmes, et, plus
souvent encore, la joueuse d’osselets est seule. Mme Darthès possède
les plus beaux exemplaires de ce motif aimable. Que fait la joueuse
qui n’a pas de partenaire? Elle consulte l’oracle d’amour, avec toute
la grâce et l’innocence des jeunes filles qui effeuillent une marguerite.
Je voudrais rester sur ce thème que l’art grec ne traite pas d’ordi-
naire. Quant aux qualités du groupe, que nous avons fait reproduire
par l’excellent procédé de M. Dujardin, les lecteurs de la Gazelle
les trouveront d’eux-mêmes. Comme nous, ils admireront cette har-
monie des lignes, cette distinction et cette mesure dans la pose et
le geste, ces têtes si jolies, ces draperies si bien adaptées, et par-
dessus tout cette fraîcheur de poésie et de sentiment. Combien a-t-011
vu de terres-cuites qui soient plus sympathiques?
La terre-cuite prend ses modèles et ses motifs oû il lui plaît, en
haut, en bas, à tous les étages de la société. On peut le voir par une
autre figurine, la Jongleuse\ qui se dispose à sauter à travers un
1. Anecdota grœca d’immanuel Bekker, t. I, 265.
2. On n’a pas encore remarqué que ces noms, ’AyXouri Ayjtw Ni6[3yi (I>ch(A] T)iaipa,
forment un hexamètre.
3. Collection Camille Lecuyer, pi. O5; article de M. Cartault.
4. Publiée dans la Gazette (t. XXVIII, 2e pér., p. 359).