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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 5.1891

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Yriarte, Charles: Paul Véronèse au palais ducal de Venise
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https://doi.org/10.11588/diglit.24449#0014

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GAZETTE DES BEAUX-AltTS.

depuis la restauration de Pietro Basejo jusqu’au moment de l’in-
cendie; on peut s’en faire une idée par une gravure exécutée en 1567
par Bolognino Zaltero, dont on conserve une épreuve à la biblio-
thèque de Saint-Marc. L’artiste ayant représenté le Couronnement
de la Vierge dans le Paradis, les provéditeurs chargés de la recon-
struction, par une pensée pieuse, crurent devoir demander au Tin-
toret le même sujet; mais cette fois, en face de tant d’incendies
successifs, on proscrivit la fresque pour les compositions picturales.

La situation étant urgente, on y pourvut sur l’heure; quinze
architectes furent appelés, et les avis ayant été recueillis avant le
concours, on se trouva en face de deux solutions; la majorité tenait
pour la reconstruction totale du monument. Antonio da Ponte, très
audacieux, aussi viril dans le péril qu’il était hardi dans les résolu-
tions relatives à son art et ses partis pris architectoniques, soutint
qu’il fallait conserver les soubassements, chaîner les portiques sur
la Lagune, murer ceux des extrémités, consolider les fameux chapi-
teaux d’angle, raffermir et rapproprier. L’esprit qui dominait dans les
conseils étant la conservation de l’aspect primitif, da Ponte obtint
les suffrages. Trois provéditeurs furent nommés, Alvise Zorzi, Jacopo
Soranzo et Paolo Tiepolo, et huit mois après, quand il fallut, le
corps de la construction achevé, pourvoir à la décoration inté-
rieure, Marc-Antonio Barbaro, ce même sénateur qui nous a fourni
le thème de la Vie d’un patricien de Venise au xvie siècle, Morosini et
Foscari succédèrent aux premiers provéditeurs, avec Contarini,
fameux par son goût pour les arts et par le mécénat qu’il exerçait
alors, et le Titien, juge suprême, prince et patriaixhe de la peinture.

Si on considère que la décoration primitive ne comprenait pour la
plupart que des œuvres dues à des artistes du xve siècle, on com-
prendra combien le premier incendie de 1574 avait été fatal à la
République au point de vue des richesses d’art. Ce n’était pas encore
le temps des palettes brillantes, des pinceaux alertes, des imaginations
sensuelles, des cerveaux légers et des esprits joyeux, de ces ouvriers
dispos et robustes, qui allaient attaquer la fresque comme on attaque
un bastion, sans pensers recueillis et sans méditations profondes;
c’était le Quattrocento, la proto-Renaissance, l’heure des artistes can-
dides, de l’extase et de la foi, de la sincérité et de l’amour, du geste
simple, de l’expression naïve et de l’émotion qui s’insinue, qui pénètre
et qui arrive au cœur. Quel deuil pour tous, même au temps où nous
sommes, si la cloche d’alarme et le canon de l’arsenal sourdement
répercutés par la Lagune, appelaient encore une fois à l’aide les
 
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