PIERRE BREUGHEL LE VIEUX.
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C’est plus que probable. Peut-être a-t-on voulu nous montrer la
science et l’art se mettant d’accord avec l’instinct pour montrer sous
un jour grotesque les préjugés vieillis. Chi lo sa!
Comme gravure, la planche a certainement du mérite. Elle nous
paraît cependant un peu raffinée pour Breughel.
En revanche on peut attribuer avec une certitude entière au burin
du maître un paysage absolument remarquable, signé au bas de la
gauche BRVEGEL, et où paraissent à l’avant-plan, sur la droite, des
chasseurs poursuivant un lièvre. L’effet et la touche : un pointillé
très menu, sont trop absolument d’accord avec la manière de Breughel,
pour qu’il soit possible de contester cette estampe que nous n’avons
rencontrée qu’au cabinet impérial de Vienne et au cabinet de Ham-
bourg.
Breughel est mort à Bruxelles en 1569, dans sa maison de la
populaire rue Haute. Sa dépouille repose dans l’église voisine de
Notre-Dame de la Chapelle. Quand le fils du maître, Jean Breughel
de Velours, parvenu à l’âge viril, voulut honorer la mémoire du grand
peintre dont il portait le nom et devait perpétuer la race, Rubens fut
appelé par lui à orner d’une de ses peintures l’épitaphe paternelle.
C’est bien ce qui résulte de l’inscription d’une estampe de Pierre de
Jode, le vieux, d’après le Christ donnant les clefs à Saint Pierre, le
tableau de Rubens qui fut placé à l’église de la Chapelle. En 1676,
David Teniers, petit-fils par alliance et bien digne héritier de
Breughel, convenons-en, fit restaurer l’épitaphe ; à l’heure actuelle
on y lit encore la mention de ce fait.
Etrange destinée, pourtant, que celle de Breughel! On eût dit que
jusque dans la mort les circonstances s’uniraient pour éclipser son
renom. L’épitaphe a subsisté, mais veuve de son tableau, remplacé par
une médiocre copie.
En 1765, les fabriciens, ayant à pourvoir aux frais de construction
d’une sacristie, se crurent en droit d’aliéner au profit de l’église une
œuvre dont les descendants du peintre revendiquèrent en vain la
propriété '.
Mais, grâce au ciel, les titres de Breughel au respect de la posté-
rité sont écrits ailleurs que sur la pierre déjà fruste de son tombeau.
Ils ressortent avec une éloquence singulière de l’œuvre de son pin- 1
1. L’abbé de Bruyn, Trésor artistique des églises de Bruxelles, 1882, pp. 255-256.
Par une autre bizarrerie du sort, le tableau original est revenu à Bruxelles. Il fait
partie de la collection d’un gentilhomme russe, M. Potemkine.
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C’est plus que probable. Peut-être a-t-on voulu nous montrer la
science et l’art se mettant d’accord avec l’instinct pour montrer sous
un jour grotesque les préjugés vieillis. Chi lo sa!
Comme gravure, la planche a certainement du mérite. Elle nous
paraît cependant un peu raffinée pour Breughel.
En revanche on peut attribuer avec une certitude entière au burin
du maître un paysage absolument remarquable, signé au bas de la
gauche BRVEGEL, et où paraissent à l’avant-plan, sur la droite, des
chasseurs poursuivant un lièvre. L’effet et la touche : un pointillé
très menu, sont trop absolument d’accord avec la manière de Breughel,
pour qu’il soit possible de contester cette estampe que nous n’avons
rencontrée qu’au cabinet impérial de Vienne et au cabinet de Ham-
bourg.
Breughel est mort à Bruxelles en 1569, dans sa maison de la
populaire rue Haute. Sa dépouille repose dans l’église voisine de
Notre-Dame de la Chapelle. Quand le fils du maître, Jean Breughel
de Velours, parvenu à l’âge viril, voulut honorer la mémoire du grand
peintre dont il portait le nom et devait perpétuer la race, Rubens fut
appelé par lui à orner d’une de ses peintures l’épitaphe paternelle.
C’est bien ce qui résulte de l’inscription d’une estampe de Pierre de
Jode, le vieux, d’après le Christ donnant les clefs à Saint Pierre, le
tableau de Rubens qui fut placé à l’église de la Chapelle. En 1676,
David Teniers, petit-fils par alliance et bien digne héritier de
Breughel, convenons-en, fit restaurer l’épitaphe ; à l’heure actuelle
on y lit encore la mention de ce fait.
Etrange destinée, pourtant, que celle de Breughel! On eût dit que
jusque dans la mort les circonstances s’uniraient pour éclipser son
renom. L’épitaphe a subsisté, mais veuve de son tableau, remplacé par
une médiocre copie.
En 1765, les fabriciens, ayant à pourvoir aux frais de construction
d’une sacristie, se crurent en droit d’aliéner au profit de l’église une
œuvre dont les descendants du peintre revendiquèrent en vain la
propriété '.
Mais, grâce au ciel, les titres de Breughel au respect de la posté-
rité sont écrits ailleurs que sur la pierre déjà fruste de son tombeau.
Ils ressortent avec une éloquence singulière de l’œuvre de son pin- 1
1. L’abbé de Bruyn, Trésor artistique des églises de Bruxelles, 1882, pp. 255-256.
Par une autre bizarrerie du sort, le tableau original est revenu à Bruxelles. Il fait
partie de la collection d’un gentilhomme russe, M. Potemkine.