48
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
mélange de l’abandon et de la distinction, par sa grande tournure,
notre dessin ne déparerait pas l’œuvre de ce grand poète et de ce grand
charmeur qui s’appelait le Giorgione.
Un superbe dessin à la plume, nourri, ferme et vibrant, une Ado-
ration des Mages, toute pleine encore delà saveur qui caractérise les
œuvres des Primitifs, porte, avec raison je crois, le nom de Porde-
none.
Une esquisse assez lourde de Sebastiano del Piombo pour une
Visitation, un Christ à la colonne, du même, un croquis, un peu trop
facile et sommaire, de Paul Véronèse, Une Nymphe poursuivie par un
Satyre, nous initient au développement ultérieur de l’Ecolevénitienne.
« Ce dernier dessin, d’après F. Yillot, qui l’a publié, est fort bon : la
figure de femme, tracée avec la rare élégance et la justesse de plan
qui caractérise ce maître entre tous les autres, exprime bien l’effroi :
la chevelure est dénouée, les draperies volent, soulevées par la rapi-
dité de la course; le paysage, indiqué avec cette supériorité propre
aux grands peintres d’histoire, représente à merveille une forêt
touffue et mystérieuse. Enfin il est impossible de produire autant
d’effet avec des moyens plus simples. »
La main de Bernardino Luini a tracé, à la pierre d’Italie, le carton
de ces deux enfants qui s’embrassent, les bras entrelacés, avec une
tendresse et un élan touchants (très vraisemblablement l’enfant Jésus
et le petit saint Jean-Baptiste). « On ignore, d’après F. Yillot, pour
quelle fresque ou quel tableau l’artiste a pu tracer cette délicieuse
étude ‘. »
A l’Ecole de Léonard de Yinci se rattache un autre de ces disci-
ples indirects, qui ont parfois pénétré si profondément dans l’esprit
du maître : le doux, j’allais dire le doucereux, Gaudenzio Ferrari.
Son Saint Roch, tenant d’une main un bâton et montrant de l’autre
l’ulcère qui ronge sa jambe, est un de ces dessins que s’ils ne portent
pas la signature du maître tracée en toutes lettres, proclament sa
paternité dans leurs moindres traits, « signed ail over », comme
disent les Anglais.
Le lecteur m’excusera, je dirai plus, me saura gré, de ne pas
insister ici sur les trop nombreuses productions des décadents ita-
liens de la fin du xvie siècle, et des médiocres rénovateurs du com-
mencement du xvne : les Zuccheri, les Carrache, les Dominiquin, les
Guerchin, les chevaliers d’Arpin et tutti quanti. Je ne relèverai pour
I. Collection de Dessins originaux des grands Maîtres, gravés en fac-similé par
Alphonse Leroy.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
mélange de l’abandon et de la distinction, par sa grande tournure,
notre dessin ne déparerait pas l’œuvre de ce grand poète et de ce grand
charmeur qui s’appelait le Giorgione.
Un superbe dessin à la plume, nourri, ferme et vibrant, une Ado-
ration des Mages, toute pleine encore delà saveur qui caractérise les
œuvres des Primitifs, porte, avec raison je crois, le nom de Porde-
none.
Une esquisse assez lourde de Sebastiano del Piombo pour une
Visitation, un Christ à la colonne, du même, un croquis, un peu trop
facile et sommaire, de Paul Véronèse, Une Nymphe poursuivie par un
Satyre, nous initient au développement ultérieur de l’Ecolevénitienne.
« Ce dernier dessin, d’après F. Yillot, qui l’a publié, est fort bon : la
figure de femme, tracée avec la rare élégance et la justesse de plan
qui caractérise ce maître entre tous les autres, exprime bien l’effroi :
la chevelure est dénouée, les draperies volent, soulevées par la rapi-
dité de la course; le paysage, indiqué avec cette supériorité propre
aux grands peintres d’histoire, représente à merveille une forêt
touffue et mystérieuse. Enfin il est impossible de produire autant
d’effet avec des moyens plus simples. »
La main de Bernardino Luini a tracé, à la pierre d’Italie, le carton
de ces deux enfants qui s’embrassent, les bras entrelacés, avec une
tendresse et un élan touchants (très vraisemblablement l’enfant Jésus
et le petit saint Jean-Baptiste). « On ignore, d’après F. Yillot, pour
quelle fresque ou quel tableau l’artiste a pu tracer cette délicieuse
étude ‘. »
A l’Ecole de Léonard de Yinci se rattache un autre de ces disci-
ples indirects, qui ont parfois pénétré si profondément dans l’esprit
du maître : le doux, j’allais dire le doucereux, Gaudenzio Ferrari.
Son Saint Roch, tenant d’une main un bâton et montrant de l’autre
l’ulcère qui ronge sa jambe, est un de ces dessins que s’ils ne portent
pas la signature du maître tracée en toutes lettres, proclament sa
paternité dans leurs moindres traits, « signed ail over », comme
disent les Anglais.
Le lecteur m’excusera, je dirai plus, me saura gré, de ne pas
insister ici sur les trop nombreuses productions des décadents ita-
liens de la fin du xvie siècle, et des médiocres rénovateurs du com-
mencement du xvne : les Zuccheri, les Carrache, les Dominiquin, les
Guerchin, les chevaliers d’Arpin et tutti quanti. Je ne relèverai pour
I. Collection de Dessins originaux des grands Maîtres, gravés en fac-similé par
Alphonse Leroy.