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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
sculptures du Louvre, M. Frœhner, alors conservateur des Antiques,
traite la Victoire de « magnifique statue », et ajoute1 2 : « Bien qu’elle
date de l’époque des successeurs d’Alexandre, cette admirable sculpture
se rapproche tout à fait du grand style de l’école de Phidias. » Et
M. Frœhner, qui ne fut jamais mieux inspiré, la comparait très
justement à une figure des frontons du Parthénon, ainsi qu’au torse
d’une des filles de Niobé au Musée Chiaramonti.
Les terribles événements qui suivirent la publication deM. Frœhner
n’expliquent que trop l’oubli relatif où le colosse de Samothrace parut
retomber. L’expédition autrichienne de 1873 le recommanda de nou-
veau à l’attention. M. Conze et ses collaborateurs avaient retrouvé et
soigneusementexploré l’édiculedécouverten 1863parM.Champoiseau.
L’étude des blocs du piédestal les avait conduits à la conclusion, déjà
pressentie, semble-t-il, par notre consul3, que ces blocs formaient
l’avant d’une galère, sur lequel la Victoire était posée. On savait en
Allemagne, par une communication de M. Bode 3, que de nombreux
fragments, déposés au Louvre, n’avaient pas encore été rajustés à la
statue; il y avait là des éléments d’information nouveaux, qu’il impor-
tait de ne pas négliger dans l’étude de la restitution. Cette étude fut
faite avec grand soin par M. Benndorf : c’est encore aujourd’hui
ce que nous possédons de plus complet sur la Victoire 4. M. Benndorf
rapprocha la statue, ainsi dressée sur l’avant d’une galère, de la repré-
sentation figurée sur des tétradrachmes 5 de Démétrius Poliorcète,
fils d’Antigone; ces monnaies avaient été rapportées depuis longtemps
à la bataille navale gagnée en 306, dans les eaux de Chypre, par
Démétrius sur Ptolémée fils de Lagus. A la suite de cette victoire,
Démétrius prit le titre de roi, et c’est avec ce titre que son nom figure
sur les monnaies. Le savant autrichien admit que les coins de ces
pièces avaient été gravés d’après la statue colossale de Samothrace,
ex-voto de Démétrius vainqueur aux dieux protecteurs de son escadre.
Mais à quel sculpteur fallait-il attribuer la Victoire? M. Newton,
1. Frœhner, Notice de la sculpture antique du Louvre, t. I (seul publié),
p. 434.
2. Cf. Revue archéol., 1880, t. I, p. 13; Conze, Hauser et Benndorf, N eue Unter-
such., p. 55; Rayet, Monuments de l’art antique, t. II, notice de la pl. Il, p. 4, et
Additions et Corrections, p. 1.
3. Cf. Archaol. Zeitung, 1881, p. 42.
4. Benndorf, dans les Neue Untersuchungen, p. 52 et suiv.
5. Baumeister, Denkmüler, t. II, p. 951, fîg. 1098. On trouvera une photogravure
de la même monnaie dans A History of ancient sculpture, par Lucy Mitchell,
p. 558.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
sculptures du Louvre, M. Frœhner, alors conservateur des Antiques,
traite la Victoire de « magnifique statue », et ajoute1 2 : « Bien qu’elle
date de l’époque des successeurs d’Alexandre, cette admirable sculpture
se rapproche tout à fait du grand style de l’école de Phidias. » Et
M. Frœhner, qui ne fut jamais mieux inspiré, la comparait très
justement à une figure des frontons du Parthénon, ainsi qu’au torse
d’une des filles de Niobé au Musée Chiaramonti.
Les terribles événements qui suivirent la publication deM. Frœhner
n’expliquent que trop l’oubli relatif où le colosse de Samothrace parut
retomber. L’expédition autrichienne de 1873 le recommanda de nou-
veau à l’attention. M. Conze et ses collaborateurs avaient retrouvé et
soigneusementexploré l’édiculedécouverten 1863parM.Champoiseau.
L’étude des blocs du piédestal les avait conduits à la conclusion, déjà
pressentie, semble-t-il, par notre consul3, que ces blocs formaient
l’avant d’une galère, sur lequel la Victoire était posée. On savait en
Allemagne, par une communication de M. Bode 3, que de nombreux
fragments, déposés au Louvre, n’avaient pas encore été rajustés à la
statue; il y avait là des éléments d’information nouveaux, qu’il impor-
tait de ne pas négliger dans l’étude de la restitution. Cette étude fut
faite avec grand soin par M. Benndorf : c’est encore aujourd’hui
ce que nous possédons de plus complet sur la Victoire 4. M. Benndorf
rapprocha la statue, ainsi dressée sur l’avant d’une galère, de la repré-
sentation figurée sur des tétradrachmes 5 de Démétrius Poliorcète,
fils d’Antigone; ces monnaies avaient été rapportées depuis longtemps
à la bataille navale gagnée en 306, dans les eaux de Chypre, par
Démétrius sur Ptolémée fils de Lagus. A la suite de cette victoire,
Démétrius prit le titre de roi, et c’est avec ce titre que son nom figure
sur les monnaies. Le savant autrichien admit que les coins de ces
pièces avaient été gravés d’après la statue colossale de Samothrace,
ex-voto de Démétrius vainqueur aux dieux protecteurs de son escadre.
Mais à quel sculpteur fallait-il attribuer la Victoire? M. Newton,
1. Frœhner, Notice de la sculpture antique du Louvre, t. I (seul publié),
p. 434.
2. Cf. Revue archéol., 1880, t. I, p. 13; Conze, Hauser et Benndorf, N eue Unter-
such., p. 55; Rayet, Monuments de l’art antique, t. II, notice de la pl. Il, p. 4, et
Additions et Corrections, p. 1.
3. Cf. Archaol. Zeitung, 1881, p. 42.
4. Benndorf, dans les Neue Untersuchungen, p. 52 et suiv.
5. Baumeister, Denkmüler, t. II, p. 951, fîg. 1098. On trouvera une photogravure
de la même monnaie dans A History of ancient sculpture, par Lucy Mitchell,
p. 558.