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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 5.1891

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Nr. 2
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Fourcaud, Louis de: François Rude, 12
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https://doi.org/10.11588/diglit.24449#0129

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

sions? Est-il indispensable de renier les caractères violents de la
vie moderne? Les volontaires de 92, s’enrôlant pour aller défendre la
patrie en danger n’étaient point de sang-froid, et ne pouvaient pas
l’être à l’heure de l’effervescence. Ney jetant ses soldats à l’assaut
comme une trombe humaine ne pouvait se contenir. Observez que ce
n’est pas seulement la bouche qui crie, c’est le corps entier qui
s’exalte. Comment supposer une pareille tension des muscles, une
surexcitation semblable de tout le système nerveux, une si extraor-
dinaire explosion de la volonté communicative sans que la gorge se
dilate et que, bon gré, mal gré, il s’en échappe des clameurs ou des
râlements? Fermez les lèvres de bronze du maréchal; tout, dans
son impérieuse allure, vous paraitra grimaçant et artificiel. On ne
s’abandonne pas à un tel effort pour faire passer son âme en d’autres
âmes en restant muet comme un terme. Ce serait contradiction. Et
peu nous importe, au surplus, que l'antiquité ait voulu ses grands
hommes plus marmoréens, plus placides. Nous prenons les nôtres
comme ils sont. Ni la Grèce, ni Rome, n’ont connu, sans doute, les
fièvres qui nous brûlent, et cet état d’embrasement intérieur où
l’homme aspire à se répandre en tous ceux qui l’entourent et les fait
communier passionnément en sa propre action. Il appartient à chaque
artiste de rendre, selon son art, toutes les conditions observées de la
vie, qu’elles aient ou non des antécédents antiques.

Ce que le sculpteur doit sauvegarder en tout sujet, par exemple,
c’est la silhouette sculpturale. Or, la statue du maréchal Ney est,
indéniablement, sculpturale, et au premier chef. Sous tous ses profils,
les formes se détachent expressivement, sans confusion, quoique avec
ensemble. Que si l’on en vient à une minutieuse analyse, on est
frappé de la perfection significative des moindres détails. Rien n’a
été sacrifié à l’audace du mouvement toutes les parties de l’œuvre
sont traitées dans un sentiment de vérité scrupuleuse. C’est bien
Michel Ney que nous avons sous les yeux, non point un comparse
jouant son rôle. L’intimité de l’homme perce sous l’héroïque person-
nalité. Nous le sentons tout de premier mouvement, de fougue et de
bravoure. Un profond manieur d’esprits se gouverne jusqu’en ses
débordements. Ney s’élance sans calcul, par urgence intérieure de
pousser en avant et besoin de s’extérioriser. Ses membres tressail-
lent, secoués par l’activité nerveuse et s’accusent sous les habits en
les distendant. Dépouillez-le de ses vêtements, son corps, étudié par
Rude, n’a rien de classique et de convenu. On n’en ferait pas un
Achille ou un Ajax : la construction, la nervosité, l’agitation fiévreuse
 
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