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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 5.1891

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Nr. 2
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Wyzewa, Teodor de: Thomas Lawrence et la Société anglaise de son temps, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24449#0137

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122

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

veut porter uu jugement d’ensemble la note dédaigneuse reparaît.
« Entre Reynolds et Lawrence, dit-il, quelle différence ! Combien
l’art de ce dernier est maniéré et factice!... Il eut toutes les appa-
rences et tous les prestiges du talent, sans en avoir la sincérité. Il
fut un grand peintre à côté du vrai ; il substitua le galvanisme à la
vie : il fut sublime dans la manière. »

C’est à peu près dans les mêmes termes que Lawrence a été jugé
par tous les critiques. Lord Ronald Gower, qui vient de lui consacrer
dans la collection anglaise des Grecit Artists un petit volume excellent,
ne manque pas une fois à rappeler que son art est de qualité infé-
rieure. « Si Lawrence avait suivi le conseil de Reynolds, dit-il, s’il
avait étudié davantage la nature et s’était moins soucié de la mode,
il aurait obtenu sans doute une niche plus haut placée dans le temple
de la Renommée et un renom plus brillant parmi les grands peintres
anglais. » Ailleurs, le même écrivain dit de lui « qu’il avait un grand
talent, mais que le génie lui a toujours manqué ».

Et ce qu’il y a de plus lamentable dans cette affaire est que, à
notre sens, Lawrence et ses critiques se sont trompés. Non, le génie
n’a pas manqué à ce peintre, malgré son continuel souci d’être à la
mode, et l’angoisse qu’ensuite il en éprouvait. Et si l’Angleterre a
produit deux peintres d’un génie plus haut, Gainsborough et Cons-
table, c’est assurément à Lawrence que revient le premier rang après
ces deux maîtres immortels. Il y a bien aussi Reynolds, à tant
d’égards un admirable artiste : mais celui-là est grand par la ferme
volonté qu’il eut toujours de l’être, par la noblesse d’âme, la con-
science et la résolution qu’il fait voir dans son œuvre. Avec un
tempérament comme celui de Lawrence, nul doute qu’il lui eût été
supérieur; tel qu’il est, il marque simplement dans l’histoire de l’art
le triomphe de la patience et de l’obstination.

J’avoue qu’au surplus il serait malaisé de prouver par des faits
précis le génie de Lawrence. Il ne faut pas chercher chez lui, comme
chez Gainsborough, une délicatesse subtile et quasi morbide de
l’œil, avec une science technique solide, variée à l’infini, et le charme
d’une mystérieuse poésie sensuelle. Il n’y faut point chercher non
plus, comme chez Constable, une vision pénétrante et harmonieuse de
la nature extérieure, une observation toujours sûre, nouvelle, hardi-
ment exprimée. Son dessin est jusqu’à la fin resté assez banal, banal
plutôt que défectueux pourtant, car ses fautes semblent le plus sou-
vent lui avoir été commandées par le soin de l’effet général qu’il
voulait produire. Son coloris, au premier abord, semble monotone :
 
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