198
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
figure allégorique de jeune fille tenant un chapelet, dénommée un
peu pompeusement Flama vestalis. La planche, éditée par Agnew de
Londres, a 40 centimètres de hauteur sur 15 de largeur; c’est comme
un côté de fenêtre laissant voir la tête, le buste et les mains d’une
jeune fille sur un fond de paysage, avec pièce d’eau et barque.
M. Gaujean n’a pas pu faire que les mains du modèle peint par Burne
Jones fussent d’un dessin irréprochable, il s’est borné à les traduire
fidèlement; en somme, son estampe nous paraît au moins égale au
tableau : elle a toutes les qualités de celui-ci et probablement quel-
ques défauts en moins, grâce à l'unité et à l’harmonie de la gamme
des blancs et des noirs.
M. Gaujean n’a pas tiré un moins excellent parti de VAnnonciation
de Rossetti (25 c. 1. sur 42 h... Agnew, éditeur); l’œuvre est plus
forte ; elle était aussi plus difficile à traduire. La Vierge, à demi-
soulevée sur un lit qui se présente par le pied, s’incline devant l’Ange
debout et tenant à la main une branche de lys : il y avait là des pro-
blèmes de perspective fort délicats; le peintre ét son graveur les ont
bien résolus. Si jamais l’Angleterre entreprend la représentation de
mystères, à la façon de celles de Oberammergau, Y Annonciation de
Rossetti pourra fournir le sujet d’une scène : c’est bien un tableau de
sainteté accommodé à l’anglaise; les types des personnages sont pris
sur nature, mais ils n’ont pas du tout l’air d’arriver de Galilée.
D’après Rossetti encore, M. Gaujean a gravé un bizarre Chant de
Noël (25 c. 1. sur 30 h.),où l’on voit une jeune Anglaise préraphaélite,
singulièrement affublée d’étoffes à ramages sur fond de chasuble et
pinçant d’un psaltérion à deux cordes dont la table d’harmonie est
« précieusement ajourée » : œuvre singulière, enfantine sous bien
des rapports,.et cependant captivante comme le sont presque toutes
les imaginations du maître et quelques-unes des peintres de son école.
Les éditeurs anglais n’ont pas le choix aussi judicieux toutes les
fois.qu’ils recourent au talent de M. Gaujean. Ils ont fait graver par
ce courageux artiste, en grand format, de terribles tableaux de
genre auprès desquels les œuvres de MM. Vibert, Frappa et autres,
prennent tout à coup une valeur extraordinaire. Passe pour les
petites scènes attendrissantes de Walker, mais que dire du Whist à trois
et de l’Anniversaire de la Veuve, par W. Dundy Sadler, de la Bonne
Histoire, de H.-S. Marks, et même, quoique ce peintre ne soit pas
sans mérite, du Prélude, de M. R. Poetzelberger ? Mais nous n’avons
à nous occuper ici que du graveur ; plaignons-le, après avoir admiré
la conscience merveilleuse de son talent qu’aucune besogne ne décou-
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
figure allégorique de jeune fille tenant un chapelet, dénommée un
peu pompeusement Flama vestalis. La planche, éditée par Agnew de
Londres, a 40 centimètres de hauteur sur 15 de largeur; c’est comme
un côté de fenêtre laissant voir la tête, le buste et les mains d’une
jeune fille sur un fond de paysage, avec pièce d’eau et barque.
M. Gaujean n’a pas pu faire que les mains du modèle peint par Burne
Jones fussent d’un dessin irréprochable, il s’est borné à les traduire
fidèlement; en somme, son estampe nous paraît au moins égale au
tableau : elle a toutes les qualités de celui-ci et probablement quel-
ques défauts en moins, grâce à l'unité et à l’harmonie de la gamme
des blancs et des noirs.
M. Gaujean n’a pas tiré un moins excellent parti de VAnnonciation
de Rossetti (25 c. 1. sur 42 h... Agnew, éditeur); l’œuvre est plus
forte ; elle était aussi plus difficile à traduire. La Vierge, à demi-
soulevée sur un lit qui se présente par le pied, s’incline devant l’Ange
debout et tenant à la main une branche de lys : il y avait là des pro-
blèmes de perspective fort délicats; le peintre ét son graveur les ont
bien résolus. Si jamais l’Angleterre entreprend la représentation de
mystères, à la façon de celles de Oberammergau, Y Annonciation de
Rossetti pourra fournir le sujet d’une scène : c’est bien un tableau de
sainteté accommodé à l’anglaise; les types des personnages sont pris
sur nature, mais ils n’ont pas du tout l’air d’arriver de Galilée.
D’après Rossetti encore, M. Gaujean a gravé un bizarre Chant de
Noël (25 c. 1. sur 30 h.),où l’on voit une jeune Anglaise préraphaélite,
singulièrement affublée d’étoffes à ramages sur fond de chasuble et
pinçant d’un psaltérion à deux cordes dont la table d’harmonie est
« précieusement ajourée » : œuvre singulière, enfantine sous bien
des rapports,.et cependant captivante comme le sont presque toutes
les imaginations du maître et quelques-unes des peintres de son école.
Les éditeurs anglais n’ont pas le choix aussi judicieux toutes les
fois.qu’ils recourent au talent de M. Gaujean. Ils ont fait graver par
ce courageux artiste, en grand format, de terribles tableaux de
genre auprès desquels les œuvres de MM. Vibert, Frappa et autres,
prennent tout à coup une valeur extraordinaire. Passe pour les
petites scènes attendrissantes de Walker, mais que dire du Whist à trois
et de l’Anniversaire de la Veuve, par W. Dundy Sadler, de la Bonne
Histoire, de H.-S. Marks, et même, quoique ce peintre ne soit pas
sans mérite, du Prélude, de M. R. Poetzelberger ? Mais nous n’avons
à nous occuper ici que du graveur ; plaignons-le, après avoir admiré
la conscience merveilleuse de son talent qu’aucune besogne ne décou-