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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 5.1891

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Nr. 3
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Fourcaud, Louis de: François Rude, 13
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https://doi.org/10.11588/diglit.24449#0240

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FRANÇOIS RUDE.

219

j’ai remercié Dieu, car j’avais vu le jour que je désirais voir... 1 »

Le jeune ménage a pris un appartement sous le toit même où
vivent les Rude. Rien n’est changé dans les habitudes de la famille,
ou seulement dans celles du sculpteur. Chaque jour, après l’inau-
guration de la statue de Ney, Martine descend auprès de son oncle
qui modèle son buste avec un soin de joaillier. Dès qu’elle ouvre la
porte, il déroule les linges mouillés dont s’enveloppe l’ébauche, et,
tandis qu’elle babille, lui, tirant quelques bouffées de sa pipe, sou-
riant, regardant, se reculant pour mieux voir, accentue la rondeur
du front, allège les cheveux abondants légèrement ondulés, tombant
sur les deux oreilles en masses égales et s’enroulant au-dessus de la
nuque; adoucit l’expression des yeux à fleur de tête, surplombés de
sourcils bien dessinés, mais peu fournis; fait saillir les pommettes,
affine le nez tout droit, un peu long, aux ailes mobiles, éveille au
bord des lèvres comme un sourire tendre. Le cou, long et délicat, se
dégage de la robe taillée en rond à hauteur des clavicules, orné d’une
ronde collerette de broderie. De grands revers passementés de
galons striés de petites raies, encadrent, au corsage, un gilet de soie
chiffonné de menues cassures, bordé d’une multitude de boutons
ciselés. Au-dessous de la taille, s’indique la jupe aux plis francs,
carrément coupée et posant sur le socle. Point de bras : ce portrait a
l’originale disposition de certains bustes de l’Ecole espagnole, sans
bras aussi, arrêtés au niveau des hanches ou des cuisses et comparables
à des demi-statues. Rude est interminable en ce travail. Il en reprend
continuellement toutes les parties, avec une insistance, un désir
d’achèvement dont rien ne peut donner l’idée. La parfaite identifica-
tion du visage ne lui suffit pas; il veut rendre jusqu’aux moindres
froissures de la soie, aux plus minces rayures du galon et des
boutons. « Quand je fais le portrait de ma nièce, répète-t-il, je ne
vise pas à l’art héroïque; j’aspire à la représenter comme elle est,
avec les atours qui sont les siens. Je ne veux pas que ce buste
ressemble à aucun autre. En le montrant à ses enfants plus tard,
la petite pourra leur dire : Oui, c’est bien ainsi que j’étais. Mon vieux
bonhomme d’oncle, qui m’aimait comme un père., a mis là-dedans l’habileté

1 Lettre de Mme Rude à Feigneaux, de Bruxelles (Novembre 1859. Collection
de M"10 Prinz, née Feigneaux, à Bruxelles). Les détails sur le mariage de Martine
sont tirés de la correspondance de Mme Rude avec Feigneaux et avec M116 Moyne ;
des communications de M. l’abbé Garraud, curé de Prëmeaux (Côte-d’Or), et de
M. Joseph Dietsch, de Dijon; des papiers de la famille Cabet, de Nuits, et des
souvenirs des élèves de Rude.
 
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