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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 5.1891

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Nr. 3
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Fourcaud, Louis de: François Rude, 13
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https://doi.org/10.11588/diglit.24449#0247

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FRANÇOIS RUDE.

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droit, à forcer la ville de Dijon à recevoir mes ouvrages malgré elle. »
A ce degré d’acuité, les dissentiments sont pareils aux cordes trop
tendues qui cèdent ou se rompent. Tout s’arrange comme par miracle.
L’ombrageux Conseil se radoucit. On s’en remet au maître du soin
de faire venir d’Italie le bloc de marbre à sa convenance '. Le chiffre
de trente mille francs est définitivement admis. Il n’est même pas
question de modifier le piédestal. Bref, au mois de janvier 1853, le
praticien peut donner ses premiers coups de ciseau. Un an après,
Mrae Rude, enchantée, écrit à Mme Mojne : « La figure d’Hébé a déjà
dans le marbre une figure charmante. Cette matière si belle prête
encore de la grâce à ce joli corps. » Et, dans le même temps, le
sculpteur se consacre entièrement au modèle de Y Amour. C’est juste
le moment où le mariage de Martine et le succès de la statue de Ney
comblent les vœux du vieillard et lui communiquent cette extraor-
dinaire sérénité dont j’ai parlé et qui caractérise ses dernières années.
Son esprit, détaché de la politique, désintéressé même du mouve-
ment social et de l’histoire humaine, n’aspire plus qu’à l’art pur, ou,
pour mieux dire, à l’art abstrait.

Au fond, nous ne saurions nous tromper aux apparences : un tel
changement ne répond pas à un agrandissement d’idéal, à un renou-
vellement de manière. Ce n’est qu’une manifestation de sénilité.
L’illustre statuaire du Monge, du Bertrand et du Ney, l’admirable
éveilleur de la vie de l’Arc de Triomphe, le grand possédé du démon
de la vérité moderne, l’étonnant rêveur qui a tant cherché à extério-
riser nos idées et nos âmes, vieilli et fatigué maintenant, se dément
lui-même : son esthétique trouble, où toute lumière est venue de
l’instinct, retourne absolument vers le passé. On remarque, dans ses
entretiens, sa propension croissante à évoquer les souvenirs de sa
jeunesse. Le nom de François Devosge est si constamment sur ses
lèvres qu’il ne peut résister au désir d’entreprendre de lui un nou-
veau buste, plus serré, plus amoureusement étudié, s’il est possible,
que celui d’autrefois. Il se rappelle aussi Cartellier, « sculpteur un 1 * * * V.

1. Ce bloc, du prix de 7,500 francs, a dû être livré à Rude au mois de décembre

-1852. Nous trouvons aux Archives de la municipalité de Dijon, une lettre du maître

réclamant la somme nécessaire à payer ce marbre en sa possession « depuis déjà
sept mois ». D’après les conventions intervenues entre Rude et la ville, les trente
mille francs assurés au sculpteur doivent être payés en trois termes égaux : le

premier à l’arrivée du bloc, le second à la réception à Dijon des deux statues, le
troisième l'année suivante. La mort de l’artiste n’a rien changé à ce marché, pour
lequel Mrae Rude a été substituée aux droits de son mari.

V. — 3' PÉflIODE.

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