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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
traces dans d’autres hôtels parisiens. Le nom de Bernard apparaît
pour la première fois, bien que sa collaboration à l’exécution d’une
œuvre aussi importante eût dû le préserver de l’oubli. L’hôtel de
Yillars avait absorbé, à un moment, l’hôtel du maréchal duc de
Navailles, mais plus heureux que son superbe voisin, ce dernier a pu
retrouver son existence particulière (n° 118); il a conservé une partie
de sa décoration et notamment un salon dont les panneaux dorés
portent des trophées militaires accompagnés du bâton de maréchal.
L’achèvement du boulevard Saint-Germain fut un désastre pour
le vieux faubourg. La voie nouvelle faisait disparaître d'un seul coup
une grande partie des hôtels de la rue Saint-Dominique et de la rue
de l’Université, en même temps qu’elle portait de cruelles blessures
à ceux de la rue de Lille. Il est regrettable que l’on n’ait pas dressé,
à l’époque de ce percement, le tableau exact des maisons atteintes par
le niveau inflexible de notre édilité ; c’eût été un chapitre intéressant
de la topographie artistique de Paris. Quoiqu’il soit bien tard pour
compter le nombre des victimes, dont beaucoup resteront à jamais
ignorées, nous allons essayer d’énumérer les pertes subies par l’art
parisien, en nous aidant de nos souvenirs personnels et de ceux des
amateurs avisés et des marchands qui ont suivi attentivement cette
opération pour y retrouver des trésors que le marteau des entrepre-
neurs avait converti temporairement en bois de démolition, exposés
en vente sur la voie publique.
La rue Taranne avait peu à redouter de cette trouée radicale, en
raison du médiocre intérêt que présentaient ses maisons. Sur le côté
qu’elle a conservée on voit encore les consoles de balcon de l’hôtel
Synety 1. Les deux premières maisons importantes qui se présentaient
dans la rue Saint-Dominique étaient le grand et le petit hôtel de
Matignon. Du premier provient un salon orné de boiseries sculptées
de l’époque de Louis XVI, qui a été acquis par le baron Edmond de
Rothschild; le second contenait également des boiseries, mais de
moindre importance. Les travaux de démolition amenèrent la décou-
verte d’un plafond ovale à voussure et orné de divinités mythologiques
par Noël Coypel, que l’administration municipale a fait enlever et
transporter dans ses magasins. Le bel hôtel de Luynes construit par
Le Muet, pour la duchesse de Chevreuse, s’est vu retrancher son large
portail et les deux tiers de sa cour qui frappait par son aspect gran-
diose. On l’entamait en même temps d’un autre côté, en amorçant sur 1
1. G. Daly, Motifs extérieurs, t. Il, Louis XIV, pl. 21.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
traces dans d’autres hôtels parisiens. Le nom de Bernard apparaît
pour la première fois, bien que sa collaboration à l’exécution d’une
œuvre aussi importante eût dû le préserver de l’oubli. L’hôtel de
Yillars avait absorbé, à un moment, l’hôtel du maréchal duc de
Navailles, mais plus heureux que son superbe voisin, ce dernier a pu
retrouver son existence particulière (n° 118); il a conservé une partie
de sa décoration et notamment un salon dont les panneaux dorés
portent des trophées militaires accompagnés du bâton de maréchal.
L’achèvement du boulevard Saint-Germain fut un désastre pour
le vieux faubourg. La voie nouvelle faisait disparaître d'un seul coup
une grande partie des hôtels de la rue Saint-Dominique et de la rue
de l’Université, en même temps qu’elle portait de cruelles blessures
à ceux de la rue de Lille. Il est regrettable que l’on n’ait pas dressé,
à l’époque de ce percement, le tableau exact des maisons atteintes par
le niveau inflexible de notre édilité ; c’eût été un chapitre intéressant
de la topographie artistique de Paris. Quoiqu’il soit bien tard pour
compter le nombre des victimes, dont beaucoup resteront à jamais
ignorées, nous allons essayer d’énumérer les pertes subies par l’art
parisien, en nous aidant de nos souvenirs personnels et de ceux des
amateurs avisés et des marchands qui ont suivi attentivement cette
opération pour y retrouver des trésors que le marteau des entrepre-
neurs avait converti temporairement en bois de démolition, exposés
en vente sur la voie publique.
La rue Taranne avait peu à redouter de cette trouée radicale, en
raison du médiocre intérêt que présentaient ses maisons. Sur le côté
qu’elle a conservée on voit encore les consoles de balcon de l’hôtel
Synety 1. Les deux premières maisons importantes qui se présentaient
dans la rue Saint-Dominique étaient le grand et le petit hôtel de
Matignon. Du premier provient un salon orné de boiseries sculptées
de l’époque de Louis XVI, qui a été acquis par le baron Edmond de
Rothschild; le second contenait également des boiseries, mais de
moindre importance. Les travaux de démolition amenèrent la décou-
verte d’un plafond ovale à voussure et orné de divinités mythologiques
par Noël Coypel, que l’administration municipale a fait enlever et
transporter dans ses magasins. Le bel hôtel de Luynes construit par
Le Muet, pour la duchesse de Chevreuse, s’est vu retrancher son large
portail et les deux tiers de sa cour qui frappait par son aspect gran-
diose. On l’entamait en même temps d’un autre côté, en amorçant sur 1
1. G. Daly, Motifs extérieurs, t. Il, Louis XIV, pl. 21.