MINIATURES D’UN VOYAGE D’OUTREMER.
291
vane formée par les sujets du Grand Seigneur. Khodja Borak consen-
tit à l’admettre parmi ses gens, mais à la condition qu’il revêtirait le
costume porté par les Musulmans. « Incontinent, dit de la Brocquière,
ledit Jehan de Mina me mena en une place qu’on nomme Bathsar, là
où on vend robes, tocques et aultres besoignes, et y achetay ce qui
m’estoit nécessaire touchant cela, c’est assavoir deux robes blanches
longues jusques au pié et la tocque de toile acomplie, une couroye
de toile et une brayes de fusteine pour ployer ma robe dedans. et
feis faire un paletot de panne blanche, lequel je feis faire tout couvrir
de toile, lequel je trouvay après qu’il me fut très prouffitable de nuit.
Et puis alay achater ung tarquais tout blanc très bien garny. Je ache-
tay aussy une espée... Et après je achetay ung petit cheval que je
trouvay très bon et le feis ferrer à Damas et ne m’y failly riens tou-
cher jusques à Brousse qui furent bien cinquante journées. » Il nous
dit au sujet du livre qu’il rapporta au duc de Bourgogne et que ce
prince fît remettre à Jean Germain, plus tard évêque de Chalon-sur-
Saône et chancelier de l’ordre de la Toison d’or : « Je parlay à ung
prestre qui servoit le consul des Yenissiens à Damas, lequel disoit
souvent messe à l’ostel dudit consul et confessoit et ordonnoit lesdis
marchans en leurs nécessitez, auquel aussi je me confessay et ordon-
nay et luy demanday s’il avoit à parler dudit Machomet. Il me dit que
oyl et qu’il savoit bien tout leur alkoran et luy priay bien chierement
que ce qu’il en savoit qu’il me le volsist baillier par escript et que je
le porteroie à Monseigneur le duc. Il le fist très volontiers et ainsy je
l’apportay avec moy. »
Il est regrettable que Bertrandon de la Brocquière ne nous donne
aucun renseignement sur les industries artistiques qui étaient
encore florissantes en Orient et surtout à Damas, bien que cette ville
eût été incendiée par Tamerlan au commencement du xve siècle.
Parmi les voyageurs qui ont précédé Bertrandon delà Brocquière en
Syrie, Sigoli se fait remarquer par son enthousiasme pour les
produits élégants de l’industrie de Damas. « Il n’y a point dans les
quartiers de cette ville, dit-il, une palme de terrain qui ne soit
occupée par une boutique : on offre en vente des objets si délicats et
si charmants, que si tu avais l’os de la jambe rempli d’or, tu le cas-
serais pour les acheter. »
Damas était renommée au moyen âge pour ses étoffes de soie,
pour ses verreries émaillées, pour ses vases en cuivre gravé, incrustés
d’or ou d’argent. Nous voyons tous ces objets mentionnés dans les
inventaires des trésors des rois, des grands seigneurs et des églises.
291
vane formée par les sujets du Grand Seigneur. Khodja Borak consen-
tit à l’admettre parmi ses gens, mais à la condition qu’il revêtirait le
costume porté par les Musulmans. « Incontinent, dit de la Brocquière,
ledit Jehan de Mina me mena en une place qu’on nomme Bathsar, là
où on vend robes, tocques et aultres besoignes, et y achetay ce qui
m’estoit nécessaire touchant cela, c’est assavoir deux robes blanches
longues jusques au pié et la tocque de toile acomplie, une couroye
de toile et une brayes de fusteine pour ployer ma robe dedans. et
feis faire un paletot de panne blanche, lequel je feis faire tout couvrir
de toile, lequel je trouvay après qu’il me fut très prouffitable de nuit.
Et puis alay achater ung tarquais tout blanc très bien garny. Je ache-
tay aussy une espée... Et après je achetay ung petit cheval que je
trouvay très bon et le feis ferrer à Damas et ne m’y failly riens tou-
cher jusques à Brousse qui furent bien cinquante journées. » Il nous
dit au sujet du livre qu’il rapporta au duc de Bourgogne et que ce
prince fît remettre à Jean Germain, plus tard évêque de Chalon-sur-
Saône et chancelier de l’ordre de la Toison d’or : « Je parlay à ung
prestre qui servoit le consul des Yenissiens à Damas, lequel disoit
souvent messe à l’ostel dudit consul et confessoit et ordonnoit lesdis
marchans en leurs nécessitez, auquel aussi je me confessay et ordon-
nay et luy demanday s’il avoit à parler dudit Machomet. Il me dit que
oyl et qu’il savoit bien tout leur alkoran et luy priay bien chierement
que ce qu’il en savoit qu’il me le volsist baillier par escript et que je
le porteroie à Monseigneur le duc. Il le fist très volontiers et ainsy je
l’apportay avec moy. »
Il est regrettable que Bertrandon de la Brocquière ne nous donne
aucun renseignement sur les industries artistiques qui étaient
encore florissantes en Orient et surtout à Damas, bien que cette ville
eût été incendiée par Tamerlan au commencement du xve siècle.
Parmi les voyageurs qui ont précédé Bertrandon delà Brocquière en
Syrie, Sigoli se fait remarquer par son enthousiasme pour les
produits élégants de l’industrie de Damas. « Il n’y a point dans les
quartiers de cette ville, dit-il, une palme de terrain qui ne soit
occupée par une boutique : on offre en vente des objets si délicats et
si charmants, que si tu avais l’os de la jambe rempli d’or, tu le cas-
serais pour les acheter. »
Damas était renommée au moyen âge pour ses étoffes de soie,
pour ses verreries émaillées, pour ses vases en cuivre gravé, incrustés
d’or ou d’argent. Nous voyons tous ces objets mentionnés dans les
inventaires des trésors des rois, des grands seigneurs et des églises.