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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
surtout sous la Restauration, après les restitutions de 1815, s’était
réfugié et reformé un groupe d’artistes sans grandes attaches offi-
cielles en tant que praticiens, qui n’avaient pas rompu complètement
avec les traditions de l’École décriée du xvme siècle, et qui, épris
eux aussi de l’art antique, mais voulant le connaître autrement qu’à
travers la froide et conventionnelle interprétation de David, ne con-
sentaient à s’incliner que devant la majesté de l’art grec en per-
sonne. La maison de J.-B. Giraud était, en outre et à un autre point
de vue, le centre de la colonie provençale à Paris, une émanation
en quelque sorte du milieu très artiste et très éclairé qu’avait été la
ville parlementaire d’Aix-en-Provence, jusqu’à l’époque de la Révo-
lution, au temps des Fauris de Saint-Vincens et des Bourguignon de
Fabrigoules. Là, les vieilles gloires des petites écoles locales n’étaient
pas condamnées et proscrites. On osait se souvenir. Le nom de Puget
était encore et toujours respecté. On ne craignait pas d’encourager
les instincts nationaux ni de protester contre l’embrigadement de
l’art et sa plate uniformité sous la férule de David. Les partisans de
celui-ci ne pardonnèrent jamais à J.-B. Giraud cette attitude indé-
pendante et frondeuse. La quatrième classe de l’Institut lui demeura
impitoyablement fermée ainsi qu’à l’héritier de sa fortune et de ses
collections. Leur Salon et leur Musée, — puisqu’ils n’avaient pas
d’atelier, — furent mis en quarantaine par les artistes en vogue et
les élèves désireux des faveurs officielles et des lucratives protec-
tions. C’est là pourtant que P.-F.-G. Giraud, à son arrivée à Paris,
était, en sa qualité de méridional, venu chercher l’initiation. Il y
avait trouvé bien davantage : une généreuse paternité d’adoption
et les meilleurs encouragements à ses dispositions naturelles.
Pierre-François-Grégoire Giraud, né au Luc (Var), le 19 mars
1783, mourut à Paris le 19 février 1836. Il a rencontré un biographe
dévoué qui, dans une substantielle notice, a consigné les principaux
événements de sa carrière '. Envoyé d’abord à Toulon pour y ap-
prendre le commerce, le futur artiste fut ensuite amené par un oncle
à Paris pour y continuer son éducation. L’étude de la littérature
classique lui fit abandonner celle du commerce, et bientôt la ren-
contre de J.-B. Giraud décida de sa vocation. Entré chez le sculpteur
Ramey, il suivit les leçons de l'École des Beaux-Arts et obtint en
1805 le premier prix d’encouragement, sur le sujet de la Mort de
1. Miel, Notice suc les deux Giraud, sculpteurs français, 1839-18-40, in-8°.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
surtout sous la Restauration, après les restitutions de 1815, s’était
réfugié et reformé un groupe d’artistes sans grandes attaches offi-
cielles en tant que praticiens, qui n’avaient pas rompu complètement
avec les traditions de l’École décriée du xvme siècle, et qui, épris
eux aussi de l’art antique, mais voulant le connaître autrement qu’à
travers la froide et conventionnelle interprétation de David, ne con-
sentaient à s’incliner que devant la majesté de l’art grec en per-
sonne. La maison de J.-B. Giraud était, en outre et à un autre point
de vue, le centre de la colonie provençale à Paris, une émanation
en quelque sorte du milieu très artiste et très éclairé qu’avait été la
ville parlementaire d’Aix-en-Provence, jusqu’à l’époque de la Révo-
lution, au temps des Fauris de Saint-Vincens et des Bourguignon de
Fabrigoules. Là, les vieilles gloires des petites écoles locales n’étaient
pas condamnées et proscrites. On osait se souvenir. Le nom de Puget
était encore et toujours respecté. On ne craignait pas d’encourager
les instincts nationaux ni de protester contre l’embrigadement de
l’art et sa plate uniformité sous la férule de David. Les partisans de
celui-ci ne pardonnèrent jamais à J.-B. Giraud cette attitude indé-
pendante et frondeuse. La quatrième classe de l’Institut lui demeura
impitoyablement fermée ainsi qu’à l’héritier de sa fortune et de ses
collections. Leur Salon et leur Musée, — puisqu’ils n’avaient pas
d’atelier, — furent mis en quarantaine par les artistes en vogue et
les élèves désireux des faveurs officielles et des lucratives protec-
tions. C’est là pourtant que P.-F.-G. Giraud, à son arrivée à Paris,
était, en sa qualité de méridional, venu chercher l’initiation. Il y
avait trouvé bien davantage : une généreuse paternité d’adoption
et les meilleurs encouragements à ses dispositions naturelles.
Pierre-François-Grégoire Giraud, né au Luc (Var), le 19 mars
1783, mourut à Paris le 19 février 1836. Il a rencontré un biographe
dévoué qui, dans une substantielle notice, a consigné les principaux
événements de sa carrière '. Envoyé d’abord à Toulon pour y ap-
prendre le commerce, le futur artiste fut ensuite amené par un oncle
à Paris pour y continuer son éducation. L’étude de la littérature
classique lui fit abandonner celle du commerce, et bientôt la ren-
contre de J.-B. Giraud décida de sa vocation. Entré chez le sculpteur
Ramey, il suivit les leçons de l'École des Beaux-Arts et obtint en
1805 le premier prix d’encouragement, sur le sujet de la Mort de
1. Miel, Notice suc les deux Giraud, sculpteurs français, 1839-18-40, in-8°.