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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Berlin. Cette manière tendait, comme on sait, à représenter le plus
souvent possible les princes en cuirasses du moyen âge. Frédéric lui-
même, avec son goût de la pompe, avait souvent dans ses portraits
encouragé cette tendance, et plus tard son fils Frédéric-Guillaume Ier,
tempérament avant tout conservateur, se fit presque toujours repré-
senter en cuirasse, ce qui donne souvent une apparence extrême-
ment baroque à ses portraits, notamment à ceux des dernières années,
où la corpulence du roi déterminait de singuliers contre-coups dans
la dimension et la forme de la cuirasse dont il était revêtu.
Charmé du portrait de Pesne, Frédéric Ier décida de mander à
Berlin le jeune artiste français. Celui-ci, de son côté, n’était pas
fâché de répondre à cet appel de la cour du nord ; mais avant de
partir, il retourna à Rome, où il épousa, le 5 janvier 1710, Ursule-
Anne du Buisson, fille aînée du peintre de fleurs Jean-Baptiste
Gayot du Buisson. Cela fait, le jeune peintre se mit en route pour le
nord, escorté de toute une caravane que composaient son beau-père,
deux sœurs et trois frères de sa femme et aussi le peintre de fleurs
Étienne Page, cité par un document comme ayant fait partie du
voyage.
C’était une cour éprise d’art et amie du luxe, — trop amie du
luxe même, étant données les conditions où elle se trouvait, — que
la cour au service de laquelle entrait Antoine Pesne, et dont il devait
devenir le premier peintre, avec mille écus de pension, le 6 mai 1711,
en remplacement d’Augustin Terwesten, décédé le 21 janvier de
la même année. Frédéric Ier se faisait une très haute idée des devoirs
de représentation que lui imposait sa nouvelle dignité, et il se mon-
trait avant tout soucieux du développement des beaux-arts, ceux-ci
donnant à son amour du luxe l’expression la plus appropriée et la
plus complète. Il enrichit de nouvelles forces le groupe, déjà formé
par son père, d’artistes mandés du dehors ; en même temps que les
grandioses constructions des châteaux de Berlin et de Cliarlotten-
bourg, celles de l’Arsenal, etc., avec leurs salles de parade, destinées
au développement de la pompe royale, donnaient à ces artistes une
abondante occupation. De plus, pour fournir aux arts plastiques un
centre et une existence légale et durable, le roi, qui n’était encore
alors que prince électeur, fonda l’Académie des Arts et Sciences
mécaniques, qui fut inaugurée le 1er juillet 1699, jour anniversaire
de la naissance de son fondateur. Le traitement des membres était
relativement très élevé, et l’on chercha aussi à réunir par tous les
moyens un matériel d’enseignement en excellent état.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Berlin. Cette manière tendait, comme on sait, à représenter le plus
souvent possible les princes en cuirasses du moyen âge. Frédéric lui-
même, avec son goût de la pompe, avait souvent dans ses portraits
encouragé cette tendance, et plus tard son fils Frédéric-Guillaume Ier,
tempérament avant tout conservateur, se fit presque toujours repré-
senter en cuirasse, ce qui donne souvent une apparence extrême-
ment baroque à ses portraits, notamment à ceux des dernières années,
où la corpulence du roi déterminait de singuliers contre-coups dans
la dimension et la forme de la cuirasse dont il était revêtu.
Charmé du portrait de Pesne, Frédéric Ier décida de mander à
Berlin le jeune artiste français. Celui-ci, de son côté, n’était pas
fâché de répondre à cet appel de la cour du nord ; mais avant de
partir, il retourna à Rome, où il épousa, le 5 janvier 1710, Ursule-
Anne du Buisson, fille aînée du peintre de fleurs Jean-Baptiste
Gayot du Buisson. Cela fait, le jeune peintre se mit en route pour le
nord, escorté de toute une caravane que composaient son beau-père,
deux sœurs et trois frères de sa femme et aussi le peintre de fleurs
Étienne Page, cité par un document comme ayant fait partie du
voyage.
C’était une cour éprise d’art et amie du luxe, — trop amie du
luxe même, étant données les conditions où elle se trouvait, — que
la cour au service de laquelle entrait Antoine Pesne, et dont il devait
devenir le premier peintre, avec mille écus de pension, le 6 mai 1711,
en remplacement d’Augustin Terwesten, décédé le 21 janvier de
la même année. Frédéric Ier se faisait une très haute idée des devoirs
de représentation que lui imposait sa nouvelle dignité, et il se mon-
trait avant tout soucieux du développement des beaux-arts, ceux-ci
donnant à son amour du luxe l’expression la plus appropriée et la
plus complète. Il enrichit de nouvelles forces le groupe, déjà formé
par son père, d’artistes mandés du dehors ; en même temps que les
grandioses constructions des châteaux de Berlin et de Cliarlotten-
bourg, celles de l’Arsenal, etc., avec leurs salles de parade, destinées
au développement de la pompe royale, donnaient à ces artistes une
abondante occupation. De plus, pour fournir aux arts plastiques un
centre et une existence légale et durable, le roi, qui n’était encore
alors que prince électeur, fonda l’Académie des Arts et Sciences
mécaniques, qui fut inaugurée le 1er juillet 1699, jour anniversaire
de la naissance de son fondateur. Le traitement des membres était
relativement très élevé, et l’on chercha aussi à réunir par tous les
moyens un matériel d’enseignement en excellent état.