ANTOINE PESNE.
325
II
Avec la mort de Frédéric Ier, en 1713, et l’avènement au trône de
Frédéric-Guillaume Ier, l’épanouissement de l’art berlinois se trouva
tout à coup arrêté. Il y eut bien toujours un art de cour, mais un art
à qui le manque d’appui de la part du roi avait enlevé tout élément
de vie. Le premier souci de Frédéric-Guillaume était de remettre en
ordre les finances du royaume, compromises par le goût somptueux
de Frédéric Ier : à peu d’exception près, la plupart des artistes furent
congédiés sans plus de façon, et obligés à chercher à se pourvoir
ailleurs. Dans le petit nombre des élus autorisés à rester, nous voyons
figurer Pesne, qui continua à recevoir une pension, en vérité réduite,
et fut à plusieurs reprises chargé par le roi des commandes les plus
honorables. Frédéric-Guillaume Ier était grand amateur de portraits,
et, en dépit de son sens de parcimonie, attachait beaucoup de prix à
une bonne représentation de sa personne; il aimait, comme on sait, à
faire don de son portrait à ceux qu’il voulait favoriser. Lui-même
peignait volontiers, notamment dans ses dernières années, lorsque la
goutte le faisait cruellement souffrir; on possède toute une série de
peintures exécutées par lui dans ces heures de souffrance, et portant
régulièrement l’inscription : In tormentis pinxit F. W. R. (Friedrich-
Wilhern, Rex).
C’est à la fierté paternelle inspirée au roi soldat par son petit
Fritz, que nous devons l’un des plus beaux tableaux de Pesne, daté
de 1715, et montrant Frédéric le Grand, âgé de trois ans, en com-
pagnie de sa sœur Wilhelmine, la future margravine de Bayreuth.
Celle-ci avait invité son frère à cueillir des fleurs avec elle ; mais le
petit Fritz, à qui son père venait de faire cadeau d’un tambour,
répondit dédaigneusement : « Je ne veux pas cueillir des fleurs, je
veux battre la caisse. » Ce sentiment militaire du petit prince
émut si vivement le cœur de soldat de son père, que celui-ci com-
manda à Pesne de représenter la scène : et le tambour lui-même
est encore conservé aujourd’hui dans le Musée des Hohenzollern.
Malheureusement, au grand souci du père, le prince royal ne devait
pas garder plus tard, dans ses années d’adolescence, ce goût pour la
vie militaire; on sait quels cruels conflits en sont résultés entre le
père et le fils.
Peu à peu le renom de portraitiste de Pesne se répandait dans
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Avec la mort de Frédéric Ier, en 1713, et l’avènement au trône de
Frédéric-Guillaume Ier, l’épanouissement de l’art berlinois se trouva
tout à coup arrêté. Il y eut bien toujours un art de cour, mais un art
à qui le manque d’appui de la part du roi avait enlevé tout élément
de vie. Le premier souci de Frédéric-Guillaume était de remettre en
ordre les finances du royaume, compromises par le goût somptueux
de Frédéric Ier : à peu d’exception près, la plupart des artistes furent
congédiés sans plus de façon, et obligés à chercher à se pourvoir
ailleurs. Dans le petit nombre des élus autorisés à rester, nous voyons
figurer Pesne, qui continua à recevoir une pension, en vérité réduite,
et fut à plusieurs reprises chargé par le roi des commandes les plus
honorables. Frédéric-Guillaume Ier était grand amateur de portraits,
et, en dépit de son sens de parcimonie, attachait beaucoup de prix à
une bonne représentation de sa personne; il aimait, comme on sait, à
faire don de son portrait à ceux qu’il voulait favoriser. Lui-même
peignait volontiers, notamment dans ses dernières années, lorsque la
goutte le faisait cruellement souffrir; on possède toute une série de
peintures exécutées par lui dans ces heures de souffrance, et portant
régulièrement l’inscription : In tormentis pinxit F. W. R. (Friedrich-
Wilhern, Rex).
C’est à la fierté paternelle inspirée au roi soldat par son petit
Fritz, que nous devons l’un des plus beaux tableaux de Pesne, daté
de 1715, et montrant Frédéric le Grand, âgé de trois ans, en com-
pagnie de sa sœur Wilhelmine, la future margravine de Bayreuth.
Celle-ci avait invité son frère à cueillir des fleurs avec elle ; mais le
petit Fritz, à qui son père venait de faire cadeau d’un tambour,
répondit dédaigneusement : « Je ne veux pas cueillir des fleurs, je
veux battre la caisse. » Ce sentiment militaire du petit prince
émut si vivement le cœur de soldat de son père, que celui-ci com-
manda à Pesne de représenter la scène : et le tambour lui-même
est encore conservé aujourd’hui dans le Musée des Hohenzollern.
Malheureusement, au grand souci du père, le prince royal ne devait
pas garder plus tard, dans ses années d’adolescence, ce goût pour la
vie militaire; on sait quels cruels conflits en sont résultés entre le
père et le fils.
Peu à peu le renom de portraitiste de Pesne se répandait dans