Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 5.1891

DOI Heft:
Nr. 4
DOI Artikel:
Phillips, Claude: Charles Keene: les artistes contemporains
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.24449#0365

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
336

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

en évidence dans les ensembles auxquels ils étaient destinés. Il don-
nait tous ses soins aussi à la perspective, non moins linéaire
qu’aérienne, réussissant admirablement, à l’aide de sa parfaite
entente des valeurs, à placer et ordonner ses personnages, à leur
donner l’enveloppe atmosphérique qu’il leur fallait.

On a blâmé Keene pour avoir manqué d’apprécier la beauté
abstraite de la forme et des types humains, le charme des élégances
de la vie; et peut-être, avec plus de raison, a-t-on signalé chez lui
l’absence totale de l’imagination qui crée et ne se contente pas d’in-
terpréter.

Certes, il n’y avait rien chez lui de la poétique fantaisie d’un
Doyle, ni de cette précieuse intuition qui permit à un Randolph Cal-
decott de faire revivre devant nos yeux la vie vécue des temps
passés, et de mêler à ses plus comiques inventions, je ne sais quoi de
touchant et de suggestif. Notre artiste était essentiellement un
réaliste, — mais un réaliste à l’anglaise, — c’est-à-dire ne voulant
envisager son sujet que du côté qui allait le mieux à son génie, et
s’abstenant d’en éclairer les aspects contraires ou d’en sonder les
profondeurs ténébreuses et inquiétantes. C’était aussi, — si on peut
juger l’homme d’après son œuvre, — ce qu’il y a de nos jours de plus
rare, soit en art, soit en littérature, un véritable optimiste, accep-
tant l’existence sans arrière-pensée aucune, et trouvant que tout
était pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Nulle part on ne découvre chez lui cette révolte, cet amer désen-
chantement qui perçaient presque toujours chez Gavarni, ni cette
rêverie mélancolique qui était un des traits les plus touchants de
Caldecott. Keene est un des rares mortels d’aujourd’hui qui n’aient
jamais souffert de ce mal du siècle, qui est un élément de l’air même
que nous respirons, une maladie, — si l’on veut, — donnant sa cou-
leur spéciale à ce que produisent même les récalcitrants qui repous-
sent le plus dédaigneusement son influence.

Il y a gagné une sérénité parfaite, une puissance d’observation
objective que rien ne vient altérer, une simplicité qui accepte sans
arrière-pensée les hommes et les choses comme ils sont. Il y a perdu
peut-être le don d’émouvoir profondément, de montrer les raffine-
ments, les inquiétudes, les mélancolies qu’un autre tempérament,
une autre personnalité aurait peut-être su retrouver dans cette même
humanité, dont il a, avec une puissance et une sympathie si rares,
montré le côté de franchise, de vigueur et de bonhomie réjouie.

Il convient d’ajouter que nul ne peut apprécier à leur vraie
 
Annotationen