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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 5.1891

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Nr. 4
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Wyzewa, Teodor de: Le mouvement des arts en Allemagne et en Italie
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https://doi.org/10.11588/diglit.24449#0380

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LE MOUVEMENT DES ARTS A L’ETRANGER.

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peine, et il n’y a pas de mois où il ne s’efforce de restituer quelque chose à quel-
qu’un, passant d’un musée d’Espagne à un musée de Russie, évidemment tour-
menté du désir d’avoir contrôlé, avant de mourir, tout ce que peuvent contenir de
peintures et de sculptures les cinq parties du monde.

Mais en même temps qu’il est un justicier implacable, M. Bode est, lui aussi,
un éminent critique d'art Je crois même qu’il ne cesse pas, à ce point de vue, de
faire des progrès : chacun de ses nouveaux articles, à côté des attributions et
désattributions, contient un plus grand nombre d’idées générales, d’essais de syn-
thèse, de vues ingénieuses sur la vie et le caractère des peintres. J’ai signalé ici,
l’année passée, la belle esquisse de la carrière artistique de Rubens qu’il a publiée
dans les Graphischen Kiinsti de Vienne, sous prétexte de contrôler les Rubens de
la galerie Liechtenstein Cette fois, c’est à Rembrandt qu’il en a, toujours à propos
de celte admirable collection viennoise. La galerie Liechtenstein ne possède guère
de Rembrandt que des portraits : c’est donc des portraits de Rembrandt que traite
M. Bode.

Il signale ce fait curieux que la plupart des portraits du maître ont pour
modèles des personnes de sa famille, ou des amis, ou des voisins. Le critique a
fait justice des désignations fantaisistes suivant lesquelles tel portrait représentait
la nourrice, tels autres la cuisinière, ou le cuisinier, ou le doreur de Rembrandt :
mais dans l'ensemble, il est exact que personne moins que Rembrandt n’a laissé
de portraits d’étrangers, de riches clients, etc. Il prenait ses modèles autour de
lui, avec ce merveilleux désintéressement des affaires d’argent dont sa biographie
offre à chaque pas tant de (races. C’est ainsi qu’il a passé sa jeunesse à peindre
les portraits de son père et de sa mère; depuis 1633, c’est sa femme Saskia qui
n’a cessé de lui servir de modèle. Et entre les portraits de sa mère et ceux de sa
femme, se place une période où il a eu pour modèle une jeune femme blonde,
aux joues grassouillettes, point jolie, mais d’une délicieuse expression de fraîcheur
et de naturel. Le plus beau des portraits qu’en a peints Rembrandt, est aujour-
d’hui dans la collection Liechtenstein, provenant de la vente Secrétan. La jeune
femme y est peinte de face; c’est presque toujours de face que nous la voyons
dans ses portraits. Seuls, nous la font voir de profil, un tableau de la collection de
M. Hars et un grand tableau du Musée de Stockholm, où l’on a faussement cru
reconnaître les traits de Saskia. Or, cette jeune femme, c’est, à n’en pas douter,
une sœur de Rembrandt; et l’examen des dates démontre que c’est la seconde de
ses sœurs, Lysbeth van Rhyn, qui sans doute est venue demeurer chez son frère et
gérer sa maison avant le mariage avec Saskia. Lysbeth a aussi servi de modèle
pour diverses compositions : c’est elle qui, dans un tableau du Musée de Berlin,
ligure Judith, et, dans un autre, Proserpine. Plus tard même, marié déjà, avec
Saskia, Rembrandt évoque les traits de sa sœur dans la Cléopâtre du Musée de
Madrid, et la Fiancée juive de l’Ermitage.

La collection Liechtenstein possède également un des plus beaux portraits de
Rembrandt par lui-même : il porte la date de 1633, un an après le mariage du
peintre, qui, d’ailleurs, peut-être pour plaire à sa jeune femme, s’y est représenté
plus élégant et plus orné que jamais.

On trouve aussi, dans la collection Liechtenstein, une Marine signée en toutes
lettres du nom de Rembrandt : mais la signature est fausse, l'œuvre ne ressemble
nullement aux paysages du maître et doit avoir eu pour auteur Julius Porcellis,
 
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