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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 5.1891

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Nr. 5
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Durrieu, Paul: Alexandre Bening et les peintres du bréviaire Grimani, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24449#0389

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358

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

lement frappant en elles, c’est la grâce et l’extraordinaire délicatesse
de l’exécution rehaussées par un coloris clair, blond et limpide d’une
harmonie exquise, dont on ne saurait mieux donner l’idée qu’en évo-
quant le souvenir des premières oeuvres datées de Quentin Matsys,
et parmi elles, d’une manière plus spéciale, du grand triptyque de la
Légende de sainte Anne, appartenant au Musée de Bruxelles. Les
visages, modelés en pleine lumière, ont leurs plans marqués par des
dégradations de tons presque insaisissables et qui, cependant, arri-
vent à l’effet le plus juste. Dans les têtes de jeunes femmes surtout, aux
carnations transparentes, qui respirent à la fois la douceur et l’intel-
ligence, la finesse est portée au plus haut degré. Tout semble fait de
rien, en quelques touches légères, et cependant tout est fini et caressé
jusque dans les moindres détails. Même supériorité dans le rendu du
moelleux des étoffes. Les nuances les plus tendres y dominent, roses,
tantôt pâles, tantôt légèrement violacés, carmins clairs, bleus de
ciel, lilas, violets pâles, mais sans qu’il y ait rien de fade ni de
mièvre dans l’ensemble. Le paysage qui sert de fond, ou que l’on
aperçoit par échappées à travers des décors d’architecture, est digne
des figures. Les lointains fuient, l’air circule, une lumière douce et
gaie enveloppe les arrière-plans où des constructions de briques se
cachent dans les masses d’arbres. En un mot, on y trouve également
les mêmes qualités d’harmonie, de transparence et de fraîcheur.

Le mérite des illustrations du Boëce ne se borne pas à cette rare
supériorité d’exécution. Leur auteur sait aussi, à l’occasion, s’animer
et rendre, avec une émotion communicative, les plus nobles senti-
ments de l’âme humaine. Quel mouvement de foi et d’ardeur
religieuse, par exemple, imprimé par lui au personnage principal,
dans la belle allégorie de la Philosophie fournissant à son adepte des
ailes pour s’élever jusqu’à Dieu, à travers les régions supérieures où
planent les esprits célestes 1 ! Mais l’artiste est, avant tout, comme
tous les grands Flamands, un amant fidèle et attentif de la nature.
11 le montre dans ses ravissants paysages. Il le montre encore dans
les larges bordures qui accompagnent chaque image du manuscrit
de Louis de Bruges, entourant la page entière d’une riche floraison
de lys, de roses, de pensées, d’œillets, de fleurs de pêchers et de
fraisiers, peinte sur un fond d’or mat avec la plus absolue vérité.

Il est légitime de penser qu’un miniaturiste aussi remarquable
que le peintre du Boëce de Louis de Bruges, n’a pas dû se borner à

t. Cette miniature est la quatrième du volume, f° 201 v3 du manuscrit.
 
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