ALEXANDRE BENING.
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renfermer les images dans des cadres rectangulaires, suivant la
tradition constante de la librairie flamande à cette époque, il leur
donne des formes ovales ou circulaires dont l’arrangement produit,
surtout au frontispice de l’ouvrage, un bon effet décoratif1.
Où la personnalité du maître commence à se manifester d’une
manière beaucoup plus brillante, c'est dans le tome Ier des Antiquités
des Juifs de Josèphe qui complète le tome II mentionné plus haut2.
Par une anomalie assez singulière, ce tome Ier n’a été terminé que
trois ans après le tome II, en 1483. D’autre part, ce qui est le plus
important, ce n’est pas à Gand qu’il a été exécuté, comme les volumes
précédents : il a « esté escript et paracliiévé en la ville de Bruges ».
Notre miniaturiste a donc dû, pour enluminer ce volume, changer de
résidence, et il n’est pas douteux que ce voyage de Gand à Bruges
n’ait eu la plus heureuse influence sur le développement de son
talent. Bruges était alors un des centres les plus actifs de l’art
flamand. Un homme de génie, Memling, y travaillait, et créait ces
merveilles qui n’ont pas cessé d’exciter des transports d’admiration.
Assurément je n’oserais pas affirmer que le maître du Boëce de Louis
de Bruges ait pris des leçons de l’auteur de la Châsse de sainte Ursule;
mais une observation attentive me parait attester qu’il a dû être
influencé par ces délicieux chefs-d’œuvre, et que c’est à eux qu’il a
emprunté quelque chose de ce charme tout nouveau, de ce coloris
plus limpide, de ce dessin plus large et plus souple qui se manifestent
tout à coup dans le tome Ier de Josèphe, et qui font de ses quinze minia-
tures et notamment de celle qui ouvre le texte, représentant l’union
d’Adam et d’Eve consacrée par Dieu dans le Paradis terrestre, des
créations très supérieures à tous égards à celles qui les avaient
précédées.
Indépendamment de cet épanouissement de talent si sensible dans
les miniatures proprement dites, on voit aussi apparaître dans ce
manuscrit l’emploi d’une formule tout à fait neuve pour la partie
purement ornementale des encadrements et des bordures. Jusqu’alors,
le maître du Boëce de Louis de Bruges avait suivi sur ce point la
vieille tradition, constante pendant presque tout le xv« siècle. Celle-
1. Ce n’est pas là, je le reconnais, une invention bien merveilleuse, mais encore
fallait-il y songer, et ce qui prouve combien il était difficile de se soustraire sur ce
point de détail à la tyrannie d’habitudes passées à l’état de lois, c’est que cet
exemple est peut-être l’unique du même genre que l’on puisse rencontrer à cette date.
2. Comme le tome II, ce tome Ier est aujourd’hui relié en trois volumes.
Ms. français 11, 12 et 13 de la Bibliothèque nationale.
v. — 3e PÉRIODE.
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renfermer les images dans des cadres rectangulaires, suivant la
tradition constante de la librairie flamande à cette époque, il leur
donne des formes ovales ou circulaires dont l’arrangement produit,
surtout au frontispice de l’ouvrage, un bon effet décoratif1.
Où la personnalité du maître commence à se manifester d’une
manière beaucoup plus brillante, c'est dans le tome Ier des Antiquités
des Juifs de Josèphe qui complète le tome II mentionné plus haut2.
Par une anomalie assez singulière, ce tome Ier n’a été terminé que
trois ans après le tome II, en 1483. D’autre part, ce qui est le plus
important, ce n’est pas à Gand qu’il a été exécuté, comme les volumes
précédents : il a « esté escript et paracliiévé en la ville de Bruges ».
Notre miniaturiste a donc dû, pour enluminer ce volume, changer de
résidence, et il n’est pas douteux que ce voyage de Gand à Bruges
n’ait eu la plus heureuse influence sur le développement de son
talent. Bruges était alors un des centres les plus actifs de l’art
flamand. Un homme de génie, Memling, y travaillait, et créait ces
merveilles qui n’ont pas cessé d’exciter des transports d’admiration.
Assurément je n’oserais pas affirmer que le maître du Boëce de Louis
de Bruges ait pris des leçons de l’auteur de la Châsse de sainte Ursule;
mais une observation attentive me parait attester qu’il a dû être
influencé par ces délicieux chefs-d’œuvre, et que c’est à eux qu’il a
emprunté quelque chose de ce charme tout nouveau, de ce coloris
plus limpide, de ce dessin plus large et plus souple qui se manifestent
tout à coup dans le tome Ier de Josèphe, et qui font de ses quinze minia-
tures et notamment de celle qui ouvre le texte, représentant l’union
d’Adam et d’Eve consacrée par Dieu dans le Paradis terrestre, des
créations très supérieures à tous égards à celles qui les avaient
précédées.
Indépendamment de cet épanouissement de talent si sensible dans
les miniatures proprement dites, on voit aussi apparaître dans ce
manuscrit l’emploi d’une formule tout à fait neuve pour la partie
purement ornementale des encadrements et des bordures. Jusqu’alors,
le maître du Boëce de Louis de Bruges avait suivi sur ce point la
vieille tradition, constante pendant presque tout le xv« siècle. Celle-
1. Ce n’est pas là, je le reconnais, une invention bien merveilleuse, mais encore
fallait-il y songer, et ce qui prouve combien il était difficile de se soustraire sur ce
point de détail à la tyrannie d’habitudes passées à l’état de lois, c’est que cet
exemple est peut-être l’unique du même genre que l’on puisse rencontrer à cette date.
2. Comme le tome II, ce tome Ier est aujourd’hui relié en trois volumes.
Ms. français 11, 12 et 13 de la Bibliothèque nationale.
v. — 3e PÉRIODE.
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