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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 5.1891

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Nr. 5
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Kairouan, 1: l'art arabe dans le Maghreb
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https://doi.org/10.11588/diglit.24449#0408

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376

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

artistique de Kairouan; outre des ouvrages de voirie, nous verrons
plus loin que c’est lui qui construisit la grande mosquée telle que
nous la voyons. Pour le récompenser, la populace l’assiégeait deux
fois dans El-Abbacia; il dut abattre les murailles de la ville rebelle;
mais il ne put abattre ni l’autorité de la Djema, sorte de conseil des
notables de la municipalité, convoqué sous forme de diète, ni l’oppo-
sition des docteurs.

El-Abbacia ne plut pas aux successeurs du grand émir; Ibrahim-
ibn-PIamed voulut avoir une forteresse à lui, et Rokkadci (la Rocheda
de Léon l’Africain) s’éleva dans la plaine, à quatre milles de
Kairouan. El-Bekri en fait une description séduisante. « Rokkada,
dit-il, a un circuit de vingt-quatre mille quarante coudées, mais la
plus grande partie de cet emplacement est occupé par des jardins. Il
n’y a pas de localité en Ifrikia où l’air soit plus tempéré, le zéphyr
plus doux et le sol plus fertile. Celui qui entre dans cette ville ne
cessé, dit-on, de rire et de se réjouir sans aucun motif. Ibrahim y
construisit des palais magnifiques et une mosquée; la nouvelle ville
se remplit promptement de bazars, de bains et de caravansérails. Ce
fut en l’an 263 (876-877) qu’Ibrahim l’arlébite posa les fondements
de Rokkada, qui continua d’être la résidence de cette famille, jusqu’à
ce que Ziadet-Allah (il s’agit de Ziadet-Allah-ibn-Abdallah, ou Ziadet-
Allah III, dernier émir arlébite, en 909) se vît contraint à l’aban-
donner et à s’enfuir devant les armées victorieuses d’Abou-Abdallah.
Le souverain fatimite Obeid-Allah séjourna dans Rokkada jusqu’en
l’an 308 (920-921), quand il alla demeurer à El-Mahdiya. Après le
départ d’Obeid-Allah, la ville commença à déchoir; elle perdit ses
habitants, qui s’en allèrent ailleurs, et tomba graduellement en
ruines. El-Moaz, fils d’Ismaïl-el-Mansour, fit raser tout ce qui restait
de la ville et passer la charrue sur l’emplacement qu’elle avait
occupé. Rien ne fut épargné, excepté les jardins. »

Hélas! l’ordre d’El-Moaz a été exécuté à la lettre; les jardins
eux-mêmes ont disparu, et on chercherait vainement le site de
Rokkada, bâti en un jour et nivelé quarante-cinq ans après. Rokkada
signifie en arabe « la dormeuse », et El-Bekri rapporte les deux fables
qui avaient cours sur le sens de ce nom; l’une est gracieuse; l’autre,
terrible, fait allusion à des images de mort. Ce sont là des badinages
grammaticaux fort prisés des Orientaux. Mais où l’excellent homme
se trompe, c’est lorsqu’il représente Rokkada comme un lieu de
délices. Ce château féodal fut ensanglanté par de perpétuels mas-
sacres; ce fut comme un Plessis-les-Tours où Ibrahim, retranché avec
 
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