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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
I
Commençons par distinguer nettement deux artistes qui portent
l’un et l’autre le nom de Zoan Andrea, et disons que le premier, le
célèbre copiste de Mantegna, est un graveur sur cuivre, tandis que le
second, auteur des bois de VApocalypse d’après Albert Durer, est
xylographe.
La signature entière du premier ne se rencontre sur aucune de
ses productions, mais nous avons sur son nom, sur sa profession et
sur ses rapports avec Mantegna un précieux document découvert par
M. Cari Brun dans les archives de Mantoue '.Il vaut la peine d’être
traduit en entier :
« Simone de Ardizoni, di Reggio, peintre, au marquis Lodovico Gonzaga (ici une
déchirure dans le papier)... ... Votre Seigneurie de quelle manière j’ai été traité
dans votre cité et pour vous faire savoir que je me nomme Simone Ardizoni da
Rezo, peintre et graveur au burin. Quand Andrea Mantegna vint à Mantoue, il me
fit beaucoup d’offres, témoignant qu'il était mon ami; mais comme moi, j’avais
depuis longtemps noué amitié avec Zoan Andrea, peintre de Mantoue; comme je
conversais avec lui, il me dit qu’on lui avait volé des planches gravées, des dessins
et des médailles, ce qui m’émut de compassion à la pensée qu’il avait été si mal-
traité. Il me dit de lui refaire les gravures, et je travaillais pour lui depuis environ
quatre mois lorsque Andrea Mantegna, saisi de fureur, sachant que je refaisais les-
dites estampes, m’envoya menacer par un Florentin, jurant qu’il m’en empêcherait.
Et outre cela, un soir, Zoan Andrea et moi nous fûmes assaillis par le neveu de Carlo
Moltone et plus de dix hommes armés, et laissés pour morts, comme je puis en faire
la preuve. De plus, pour que ledit travail ne pût être poursuivi, Andrea Mantegna
a trouvé des ribauds pour l’aider en m’accusant de vices honteux et de maléfice.
Mon accusateur se nomme Zoan Luca da Novara, et le notaire de mon accusateur
est un parent de Carlo Moltone. Étant étranger, je fus forcé de fuir, et je me trouve
à Vérone dans le but de finir lesdites planches. En conséquence, Monseigneur, pour
maintenir mon honneur, je veux faire connaître à Votre Excellence de quelle
manière les étrangers sont traités dans votre ville, et si Votre Seigneurie fait arrêter
celui qui m’a accusé, elle verra qu’il a fait cette infamie et découvrira quel est celui
qui m’a fait accuser. En conséquence, Monseigneur, je prie Votre Seigneurie de
faire cet acte de justice, afin que ni moi ni mes parents ne puissions être tentés d’en
tirer vengeance. Car je crois que je trouverais quarante cités, où jamais on n’a
dit la moindre chose sur mon nom. Maintenant cependant, Andrea Mantegna,
avec son orgueil et sa domination dans Mantoue (a fait cette accusation), et si
■1. Zeitschrift fiir bildende Kiinste, t. XI, 1873-76, à l’article N eue Dokumente
über Andrea Mantegna.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
I
Commençons par distinguer nettement deux artistes qui portent
l’un et l’autre le nom de Zoan Andrea, et disons que le premier, le
célèbre copiste de Mantegna, est un graveur sur cuivre, tandis que le
second, auteur des bois de VApocalypse d’après Albert Durer, est
xylographe.
La signature entière du premier ne se rencontre sur aucune de
ses productions, mais nous avons sur son nom, sur sa profession et
sur ses rapports avec Mantegna un précieux document découvert par
M. Cari Brun dans les archives de Mantoue '.Il vaut la peine d’être
traduit en entier :
« Simone de Ardizoni, di Reggio, peintre, au marquis Lodovico Gonzaga (ici une
déchirure dans le papier)... ... Votre Seigneurie de quelle manière j’ai été traité
dans votre cité et pour vous faire savoir que je me nomme Simone Ardizoni da
Rezo, peintre et graveur au burin. Quand Andrea Mantegna vint à Mantoue, il me
fit beaucoup d’offres, témoignant qu'il était mon ami; mais comme moi, j’avais
depuis longtemps noué amitié avec Zoan Andrea, peintre de Mantoue; comme je
conversais avec lui, il me dit qu’on lui avait volé des planches gravées, des dessins
et des médailles, ce qui m’émut de compassion à la pensée qu’il avait été si mal-
traité. Il me dit de lui refaire les gravures, et je travaillais pour lui depuis environ
quatre mois lorsque Andrea Mantegna, saisi de fureur, sachant que je refaisais les-
dites estampes, m’envoya menacer par un Florentin, jurant qu’il m’en empêcherait.
Et outre cela, un soir, Zoan Andrea et moi nous fûmes assaillis par le neveu de Carlo
Moltone et plus de dix hommes armés, et laissés pour morts, comme je puis en faire
la preuve. De plus, pour que ledit travail ne pût être poursuivi, Andrea Mantegna
a trouvé des ribauds pour l’aider en m’accusant de vices honteux et de maléfice.
Mon accusateur se nomme Zoan Luca da Novara, et le notaire de mon accusateur
est un parent de Carlo Moltone. Étant étranger, je fus forcé de fuir, et je me trouve
à Vérone dans le but de finir lesdites planches. En conséquence, Monseigneur, pour
maintenir mon honneur, je veux faire connaître à Votre Excellence de quelle
manière les étrangers sont traités dans votre ville, et si Votre Seigneurie fait arrêter
celui qui m’a accusé, elle verra qu’il a fait cette infamie et découvrira quel est celui
qui m’a fait accuser. En conséquence, Monseigneur, je prie Votre Seigneurie de
faire cet acte de justice, afin que ni moi ni mes parents ne puissions être tentés d’en
tirer vengeance. Car je crois que je trouverais quarante cités, où jamais on n’a
dit la moindre chose sur mon nom. Maintenant cependant, Andrea Mantegna,
avec son orgueil et sa domination dans Mantoue (a fait cette accusation), et si
■1. Zeitschrift fiir bildende Kiinste, t. XI, 1873-76, à l’article N eue Dokumente
über Andrea Mantegna.