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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Peins-nous d’Amaryllis les danses ingénues
Les nymphes des forêts, les Grâces demi-nues,
Et souviens-toi toujours que c’est au seul amour
Que ton art si charmant doit son être et le jour.
FRÉDÉRIC.
Ce 14 novembre 1737.
L’autorité toujours consultée par Frédéric dans les choses litté-
raires, Voltaire, donna son sentiment sur ce poème dans une lettre
de janvier 1738, où nous lisons : « Je ne trouve aucune faute contre
la langue dans l’épître à Pesne et tout y respire le bon goût. C’est le
peintre de la raison qui écrit au peintre ordinaire. Je peux vous
assurer, monseigneur, que les six derniers vers, par exemple, sont
un chef-d’œuvre. » Voltaire, d’ailleurs, ne paraît pas avoir eu une
très haute opinion de Pesne, car, dans une lettre à Mme Denis, du
2 septembre 1751, il interprète en ces termes malicieux le commen-
cement de cette ode : « Que, le roi ne regardant jamais le peintre, ce
dernier était pour lui invisible comme Dieu. »
Il est vraisemblable que c’est Pesne aussi qui aidait le jeune
prince dans ses acquisitions de peintures françaises; chose que ses
relations intimes avec ses amis de Paris lui rendaient particu-
lièrement facile. Il est certain, par exemple, qu’il a connu
personnellement Lancret, car, en 1736, il donne à son ami, le
graveur G.-F. Schmidt, qui partait pour Paris, une lettre de recom-
mandation pour son ami Lancret. Dès le 9 novembre 1739, Frédéric
pouvait écrire au sujet de Rheinsberg à sa sœur Wilhelmine de
Bayreuth : « Tout y est meublé, ma très chère sœur, il y a deux
chambres pleines de tableaux; les autres sont en trumeaux de glace
et en boiserie dorée ou argentée. La plupart de mes tableaux sont de
Watteau ou de Lancret, tous deux peintres de l’école de Brabant. »
De ce point de départ, devait sortir plus tard la remarquable collec-
tion de tableaux de Watteau (23 pièces) et de son école, qui constitue
aujourd’hui le principal ornement des palais royaux.
Ce devait être, d’ailleurs, une vie idéale que menait cette petite
cour sous la direction du jeune prince, dans les heures consacrées à
la distraction, après les durs travaux : « Et de la même main dont
nous servions Mars, nous venons cultiver dans ces lieux les beaux-
arts », écrit Frédéric au comte Manteuffel ; et un écrivain qui visite
Rheinsberg à cette époque, compare la vie que l’on y mène, à « une
peinture dans le goût de Watteau ».
PAUL SEIDEL.
(La fin prochainement.)
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Peins-nous d’Amaryllis les danses ingénues
Les nymphes des forêts, les Grâces demi-nues,
Et souviens-toi toujours que c’est au seul amour
Que ton art si charmant doit son être et le jour.
FRÉDÉRIC.
Ce 14 novembre 1737.
L’autorité toujours consultée par Frédéric dans les choses litté-
raires, Voltaire, donna son sentiment sur ce poème dans une lettre
de janvier 1738, où nous lisons : « Je ne trouve aucune faute contre
la langue dans l’épître à Pesne et tout y respire le bon goût. C’est le
peintre de la raison qui écrit au peintre ordinaire. Je peux vous
assurer, monseigneur, que les six derniers vers, par exemple, sont
un chef-d’œuvre. » Voltaire, d’ailleurs, ne paraît pas avoir eu une
très haute opinion de Pesne, car, dans une lettre à Mme Denis, du
2 septembre 1751, il interprète en ces termes malicieux le commen-
cement de cette ode : « Que, le roi ne regardant jamais le peintre, ce
dernier était pour lui invisible comme Dieu. »
Il est vraisemblable que c’est Pesne aussi qui aidait le jeune
prince dans ses acquisitions de peintures françaises; chose que ses
relations intimes avec ses amis de Paris lui rendaient particu-
lièrement facile. Il est certain, par exemple, qu’il a connu
personnellement Lancret, car, en 1736, il donne à son ami, le
graveur G.-F. Schmidt, qui partait pour Paris, une lettre de recom-
mandation pour son ami Lancret. Dès le 9 novembre 1739, Frédéric
pouvait écrire au sujet de Rheinsberg à sa sœur Wilhelmine de
Bayreuth : « Tout y est meublé, ma très chère sœur, il y a deux
chambres pleines de tableaux; les autres sont en trumeaux de glace
et en boiserie dorée ou argentée. La plupart de mes tableaux sont de
Watteau ou de Lancret, tous deux peintres de l’école de Brabant. »
De ce point de départ, devait sortir plus tard la remarquable collec-
tion de tableaux de Watteau (23 pièces) et de son école, qui constitue
aujourd’hui le principal ornement des palais royaux.
Ce devait être, d’ailleurs, une vie idéale que menait cette petite
cour sous la direction du jeune prince, dans les heures consacrées à
la distraction, après les durs travaux : « Et de la même main dont
nous servions Mars, nous venons cultiver dans ces lieux les beaux-
arts », écrit Frédéric au comte Manteuffel ; et un écrivain qui visite
Rheinsberg à cette époque, compare la vie que l’on y mène, à « une
peinture dans le goût de Watteau ».
PAUL SEIDEL.
(La fin prochainement.)