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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 5.1891

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Nr. 6
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Rod, Édouard: Les salons de 1891 au Champ-de-Mars et aux Champs-Élysées, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24449#0486

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448

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

façon la plus radicale : elle ne semble plus chercher l’effet dans la
richesse des mouvements, mais dans leur simplicité; dans la com-
plication des lignes, mais dans leur majesté; dans l’éclat des couleurs,
mais dans leur harmonie. M. Puvis de Chavannes, qui a été et qu
est encore le maître incontesté de la peinture décorative, est le
premier moderne qui ait compris combien l’Ecole avait fait fausse
route en cherchant l’expression dans le mouvement. Toute beauté
est calme : on le sait depuis le Buis sacré. — A la simplification des
motifs a correspondu également une observation plus attentive de la
nature : de là, sans doute, l’évolution qui s’accomplit dans le mode
du dessin et dans le choix des couleurs. Dans la nature, il y a plus
de nuances que de couleurs et il n’y a pas de lignes. Des artistes doués
d’un œil particulièrement délicat ont donc travaillé à remplacer le
dessin brutal des contours par le calcul savant des valeurs, en même
temps qu’ils s’appliquaient à éclaircir leur palette et à rendre des
nuances qu’on n’avait pas songé à employer avant eux. Au commen-
cement, le public a protesté : mais peu à peu, l’éducation de son œil
s’étant faite, il a compris que ce qui d’abord lui semblait faux n’était
qu’une vérité plus exacte et plus savante.

Je ne puis m’empêcher de noter ici que ce développement de la
peinture correspond trait pour trait à celui de la littérature pendant
ces dernières années. Il y a cinq ou six ans, en effet, en face du
romantisme, qui n’a jamais été, en somme, qu’une déformation de la
tradition classique, le naturalisme seul se dressait. A vrai dire, ayant
des champions d’une tout autre valeur que Courbet et Manet, le
naturalisme littéraire a eu plus de retentissement et plus de durée;
mais, malgré le talent de ses propagateurs, il ne répondait qu’à quel-
ques-uns des besoins de l’intelligence et de la conscience des écrivains.
Attaqué par les psychologues, qui lui reprochent justement de négliger
les caractères sous prétexte de peindre les mœurs, il voit encore
s’élever contre lui les symbolistes et les décadents, c’est-à-dire des
chercheurs, qui n’ont pas encore leur Besnard ni leur Carrière, qui
n’ont pas encore trouvé leur formule, mais qui la pressentent et qui
l’annoncent. Grâce encore à d’autres influences qu’il serait trop long de
déterminer ici, la littérature tend à se transformer dans un sens tou-
jours plus idéaliste, s’il est permis d’employer un vieux mot qui n’est
pas très exact, mais qu’au moins tout le monde comprend à peu près ;
et l’on voit surgir une école nouvelle, également distante du roman-
tisme et du naturalisme, tout comme la nouvelle école de peinture s’est
écartée à la fois de la tradition académique et du réalisme. Le spectacle
 
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