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GAZETTE DES BEAUX-AItTS.
humains, sans même soupçonner ces, recherches expressives qui
deviendront dans l’ère chrétienne le fond de l’art moderne, et tout
en restant sur le terrain limité où il s’était placé, l’art grec avait
encore une longue évolution à accomplir.
Il avait, sinon à perfectionner la technique, du moins à lui donner
une puissance expressive plus grande, à la rendre sinon plus belle,
du moins plus savante. Il fallait permettre à l’œuvre d’art de serrer
la nature de plus près. Après avoir marqué les traits essentiels, il
fallait nuancer les traits particuliers et, comme la nature elle-même
l’a fait, recouvrir la statue d’un épiderme frémissant, faire circuler
le sang dans le marbre, remuer les membres, incliner les corps et
donner à la statue les formes délicieuses et l’infinie variété de la
floraison humaine.
Après l’art du ve siècle, nous devions inévitablement voir appa-
raître un art plus savant dans la technique, plus épris de détails, un
art pouvant dire davantage et cherchant à le dire. Technique plus
raffinée, expression plus subtile, attitudes plus mouvementées, tels
seront les caractères de l’art nouveau.
Cet art, aucune statue ne nous le fait plus intimement connaître
que la statue de Subiaco. Aucune statue grecque ne donne plus l’idée
d’un moulage fait sur la nature, aucune ne marque avec plus d’amour
la douceur de l’épiderme, la souplesse, la mobilité de la chair; et,
pour bien montrer sa science, pour bien faire comprendre ce qu’il
veut, l’artiste a choisi une attitude compliquée, allongeant le
corps, le cambrant, le repliant sur lui-même. Mais, s’il le fait, c’est
sans violence, cherchant à nous intéresser, non à des tours de force,
mais uniquement à une qualité essentielle de l’être, à la souplesse, à
la grâce, à l’agilité.
Le développement de la science a presque toujours pour consé-
quence fatale la complication de l’œuvre d’art. Il arrive un moment
où l’artiste, trop épris de sa science, tend à subordonner l’idée à l’exé-
cution, et ne cherche plus qu’à faire parade de son habileté. L’art si
admirable de la statue de Subiaco aboutit presque fatalement à l’art
du Gladiateur du Louvre, au Torse et au Laocoon du Belvedère, aux
Lutteurs et au Torse de Silène de Florence.
C’est entre l’art trop violent et trop contourné du me siècle et
l’art encore un peu trop solennel du ve siècle, que se place la sou-
plesse et la grâce du ive siècle, siècle auquel me paraît appartenir la
statue de Subiaco.
Déjà au ve siècle un maître, Myron, est célèbre pour avoir recher-
GAZETTE DES BEAUX-AItTS.
humains, sans même soupçonner ces, recherches expressives qui
deviendront dans l’ère chrétienne le fond de l’art moderne, et tout
en restant sur le terrain limité où il s’était placé, l’art grec avait
encore une longue évolution à accomplir.
Il avait, sinon à perfectionner la technique, du moins à lui donner
une puissance expressive plus grande, à la rendre sinon plus belle,
du moins plus savante. Il fallait permettre à l’œuvre d’art de serrer
la nature de plus près. Après avoir marqué les traits essentiels, il
fallait nuancer les traits particuliers et, comme la nature elle-même
l’a fait, recouvrir la statue d’un épiderme frémissant, faire circuler
le sang dans le marbre, remuer les membres, incliner les corps et
donner à la statue les formes délicieuses et l’infinie variété de la
floraison humaine.
Après l’art du ve siècle, nous devions inévitablement voir appa-
raître un art plus savant dans la technique, plus épris de détails, un
art pouvant dire davantage et cherchant à le dire. Technique plus
raffinée, expression plus subtile, attitudes plus mouvementées, tels
seront les caractères de l’art nouveau.
Cet art, aucune statue ne nous le fait plus intimement connaître
que la statue de Subiaco. Aucune statue grecque ne donne plus l’idée
d’un moulage fait sur la nature, aucune ne marque avec plus d’amour
la douceur de l’épiderme, la souplesse, la mobilité de la chair; et,
pour bien montrer sa science, pour bien faire comprendre ce qu’il
veut, l’artiste a choisi une attitude compliquée, allongeant le
corps, le cambrant, le repliant sur lui-même. Mais, s’il le fait, c’est
sans violence, cherchant à nous intéresser, non à des tours de force,
mais uniquement à une qualité essentielle de l’être, à la souplesse, à
la grâce, à l’agilité.
Le développement de la science a presque toujours pour consé-
quence fatale la complication de l’œuvre d’art. Il arrive un moment
où l’artiste, trop épris de sa science, tend à subordonner l’idée à l’exé-
cution, et ne cherche plus qu’à faire parade de son habileté. L’art si
admirable de la statue de Subiaco aboutit presque fatalement à l’art
du Gladiateur du Louvre, au Torse et au Laocoon du Belvedère, aux
Lutteurs et au Torse de Silène de Florence.
C’est entre l’art trop violent et trop contourné du me siècle et
l’art encore un peu trop solennel du ve siècle, que se place la sou-
plesse et la grâce du ive siècle, siècle auquel me paraît appartenir la
statue de Subiaco.
Déjà au ve siècle un maître, Myron, est célèbre pour avoir recher-