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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
postérité. Wagenschœn, né en 1726, était alors clans toute la force
de son talent, et ce peintre, qui s’était surtout formé par une longue
étude des maîtres hollandais, s’attachait, dans ses portraits, à rendre
exactement les traits du modèle; il n’a pas cherché à embellir le
visage de la future Dauphine ; on voit le défaut du front et celui de
la lèvre inférieure ; le grand et long cou est à peine dissimulé par
une gorgerette de deux ruches de dentelles ; mais l'artiste a su
animer cette physionomie souriante par l’éclat des yeux vifs et
moqueurs ; c’est bien la petite princesse qui, avec sa sœur Caroline,
avait le fâcheux travers de se moquer de ceux qui l’approchaient.
Jean-Michel Militz, qui était alors l’un des peintres viennois les
plus renommés, fit aussi de Marie-Antoinette un portrait que gra-
vèrent J.-E. llaid et J.-E. Nilson ; mais, si l’on en juge par ces deux
estampes, d’ailleurs fort mauvaises, c’était une image grotesque.
Tous les portraits dont il vient d’ôtre question sont des
médaillons, plus ou moins grands, donnant seulement le buste étroit
et maigre de Marie-Antoinette, enfant ou toute jeune fille. Cola ne
suffisait pas à l’impératrice. Peu de temps après le départ de l’archi-
duchesse pour la France, Marie-Thérèse fit faire de sa fille un portrait
en grand, d’après ceux qu’elle avait déjà h C’est sans doute le tableau
représentant cette princesse à son clavecin. Mais ce portrait, qui est
conservé à la Hofburg de Vienne et fut exposé à Paris, il y a trois
ans, est tellement peu ressemblant que, si le nom de l’archiduchesse
Antonia n’était pas tracé sur le côté du clavecin, on ne pourrait
jamais croire que ce fût l’image d’une jeune fille de quatorze ans et
demi : on lui en donnerait au moins dix-huit ; en outre, le front, les
yeux, le nez et la bouche sont arrangés ; tout est flatté dans ce por-
trait, fait de chic. C’est sans doute pour cette raison qu’il plut à Marie-
Thérèse, qui en fit envoyer à la reine Caroline de Naples une copie,
aujourd’hui conservée au musée de Palerme.
En résumé, de tous les portraits de Marie-Antoinette archidu-
chesse qui nous sont parvenus, il y en a bien peu qui puissent
résister au contrôle des documents écrits, ayant une authenticité
certaine ; seules, les images gravées par C. Le Vasseur et par C.-J.
Fritzsch, d’après J. Hauzinger et Wagenschœn, donnent de la phy-
sionomie de cette princesse une idée qui correspond à celle qu’on
peut s’en faire en lisant les descriptions des contemporains.
1. Le baron de Neny au comte de Mercy, Vienne, le 21 août 1770. (Archives
impériales de Vienne.)
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
postérité. Wagenschœn, né en 1726, était alors clans toute la force
de son talent, et ce peintre, qui s’était surtout formé par une longue
étude des maîtres hollandais, s’attachait, dans ses portraits, à rendre
exactement les traits du modèle; il n’a pas cherché à embellir le
visage de la future Dauphine ; on voit le défaut du front et celui de
la lèvre inférieure ; le grand et long cou est à peine dissimulé par
une gorgerette de deux ruches de dentelles ; mais l'artiste a su
animer cette physionomie souriante par l’éclat des yeux vifs et
moqueurs ; c’est bien la petite princesse qui, avec sa sœur Caroline,
avait le fâcheux travers de se moquer de ceux qui l’approchaient.
Jean-Michel Militz, qui était alors l’un des peintres viennois les
plus renommés, fit aussi de Marie-Antoinette un portrait que gra-
vèrent J.-E. llaid et J.-E. Nilson ; mais, si l’on en juge par ces deux
estampes, d’ailleurs fort mauvaises, c’était une image grotesque.
Tous les portraits dont il vient d’ôtre question sont des
médaillons, plus ou moins grands, donnant seulement le buste étroit
et maigre de Marie-Antoinette, enfant ou toute jeune fille. Cola ne
suffisait pas à l’impératrice. Peu de temps après le départ de l’archi-
duchesse pour la France, Marie-Thérèse fit faire de sa fille un portrait
en grand, d’après ceux qu’elle avait déjà h C’est sans doute le tableau
représentant cette princesse à son clavecin. Mais ce portrait, qui est
conservé à la Hofburg de Vienne et fut exposé à Paris, il y a trois
ans, est tellement peu ressemblant que, si le nom de l’archiduchesse
Antonia n’était pas tracé sur le côté du clavecin, on ne pourrait
jamais croire que ce fût l’image d’une jeune fille de quatorze ans et
demi : on lui en donnerait au moins dix-huit ; en outre, le front, les
yeux, le nez et la bouche sont arrangés ; tout est flatté dans ce por-
trait, fait de chic. C’est sans doute pour cette raison qu’il plut à Marie-
Thérèse, qui en fit envoyer à la reine Caroline de Naples une copie,
aujourd’hui conservée au musée de Palerme.
En résumé, de tous les portraits de Marie-Antoinette archidu-
chesse qui nous sont parvenus, il y en a bien peu qui puissent
résister au contrôle des documents écrits, ayant une authenticité
certaine ; seules, les images gravées par C. Le Vasseur et par C.-J.
Fritzsch, d’après J. Hauzinger et Wagenschœn, donnent de la phy-
sionomie de cette princesse une idée qui correspond à celle qu’on
peut s’en faire en lisant les descriptions des contemporains.
1. Le baron de Neny au comte de Mercy, Vienne, le 21 août 1770. (Archives
impériales de Vienne.)