CHRONIQUE MUSICALE
ACADÉMIE NATIONALE DE MUSIQUE : « LES MAITRES CHANTEURS DE
NUREMBERG » , comédie musicale en trois actes, de Richard Wagner.
En écrivant les Maîtres Chanteurs, Wagner, on le sait, se proposait d’abord
de donnera son Tannhæuserun pendant satirique. Il voulait, de plus, symboliser
dans la figure de Hans Sachs l’art populaire de l’Allemagne. Dès 1847, le projet du
poème, rapidement esquissé, répondait à ce plan et arrêtait les lignes principales
de l’action, telle qu’elle est fixée par la rédaction définitive. Le parallélisme du
drame et de la comédie, dès lors, se laisse apercevoir : la Wartburg devient
l’église Sainte-Catherine de Nuremberg et les nobles Minnesænger, Biterolf, Wal-
ther, Reinmar et les autres, sont remplacés par les Meistersinger bourgeois, Vogel-
gesang, Nachtigall, Zorn,etc. Le landgrave Hermann se transforme en Yeit Pogner
Elisabeth en Eva, Tannhæuser en Walther de Stolzing et Wolfram en Hans Sachs.
Mais ces analogies demeurent superficielles : on tenterait vainement de les appro-
fondir. Le développement de l’action intérieure, qui fournit à la musique son
aliment essentiel, procède ici d’un principe psychologique tout autre.
L'opposition des milieux et des époques fait, il est vrai, des Maîtres Chanteurs
la contre-partie de Tannhæuser, en unissant les deux ouvrages par une sorte
de lien antithétique. Elle crée, par contraste, une relation entre eux, et confère
au second, en particulier, un vague caractère de parodie. Mais ce ne sont là que
des rapports matériels dont l’historien, plus que l'artiste, est susceptible de
dégager le sens spécial ; qu’il s’agisse de drame ou de comédie, les particularités
de temps et de lieu échappent à l’expression de la musique. Aussi le sujet des
Maîtres Chanteurs dépasse-t-il de beaucoup la portée d’une satire. En allant au
fond des choses, on reconnaît qu’il égale en gravité et en beauté, sinon en passion
et en âpreté tragique, celui de Tannhæuser.
Wagner, semble-t-il, ne perçut pas dès l’origine la physionomie définitive de
son œuvre. Quand il la conçut, il était en pleine jeunesse et considérait sur-
tout le caractère populaire et le mouvement joyeux du sujet. C’est vraisembla-
blement au compositeur de trente-cinq ans qu’il faut attribuer la musique des
chants de Sachs, de Beckmesser et de Walther, qui font saillie dans la partition.
Plus tard, quand, dans sa maturité,il reprit son esquisse etladéveloppa, son point
de vue avait changé. L’allure générale de sa comédie restait la même, les épiso-
des en demeuraient aussi gais, aussi colorés, aussi fortement pénétrés de saveur
ACADÉMIE NATIONALE DE MUSIQUE : « LES MAITRES CHANTEURS DE
NUREMBERG » , comédie musicale en trois actes, de Richard Wagner.
En écrivant les Maîtres Chanteurs, Wagner, on le sait, se proposait d’abord
de donnera son Tannhæuserun pendant satirique. Il voulait, de plus, symboliser
dans la figure de Hans Sachs l’art populaire de l’Allemagne. Dès 1847, le projet du
poème, rapidement esquissé, répondait à ce plan et arrêtait les lignes principales
de l’action, telle qu’elle est fixée par la rédaction définitive. Le parallélisme du
drame et de la comédie, dès lors, se laisse apercevoir : la Wartburg devient
l’église Sainte-Catherine de Nuremberg et les nobles Minnesænger, Biterolf, Wal-
ther, Reinmar et les autres, sont remplacés par les Meistersinger bourgeois, Vogel-
gesang, Nachtigall, Zorn,etc. Le landgrave Hermann se transforme en Yeit Pogner
Elisabeth en Eva, Tannhæuser en Walther de Stolzing et Wolfram en Hans Sachs.
Mais ces analogies demeurent superficielles : on tenterait vainement de les appro-
fondir. Le développement de l’action intérieure, qui fournit à la musique son
aliment essentiel, procède ici d’un principe psychologique tout autre.
L'opposition des milieux et des époques fait, il est vrai, des Maîtres Chanteurs
la contre-partie de Tannhæuser, en unissant les deux ouvrages par une sorte
de lien antithétique. Elle crée, par contraste, une relation entre eux, et confère
au second, en particulier, un vague caractère de parodie. Mais ce ne sont là que
des rapports matériels dont l’historien, plus que l'artiste, est susceptible de
dégager le sens spécial ; qu’il s’agisse de drame ou de comédie, les particularités
de temps et de lieu échappent à l’expression de la musique. Aussi le sujet des
Maîtres Chanteurs dépasse-t-il de beaucoup la portée d’une satire. En allant au
fond des choses, on reconnaît qu’il égale en gravité et en beauté, sinon en passion
et en âpreté tragique, celui de Tannhæuser.
Wagner, semble-t-il, ne perçut pas dès l’origine la physionomie définitive de
son œuvre. Quand il la conçut, il était en pleine jeunesse et considérait sur-
tout le caractère populaire et le mouvement joyeux du sujet. C’est vraisembla-
blement au compositeur de trente-cinq ans qu’il faut attribuer la musique des
chants de Sachs, de Beckmesser et de Walther, qui font saillie dans la partition.
Plus tard, quand, dans sa maturité,il reprit son esquisse etladéveloppa, son point
de vue avait changé. L’allure générale de sa comédie restait la même, les épiso-
des en demeuraient aussi gais, aussi colorés, aussi fortement pénétrés de saveur