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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
menus objets de collection, voilà tout ce qui nous avait conservé
jusqu’à ce jour son estampille. Le petit temple en question (H du
plan de Lepsius) avait été élevé par la reine Ankhnas, sœur d’Apriès,
qu’Amasis avait épousée pour légitimer son usurpation. Etait-elle la
mère de notre Psammétik? On serait tenté de le conclure du fait que
ce prince fit mettre la dernière main à l'édifice commencé par elle et
trouva tout naturel d’y associer son nom. Mais, d’autre part, une des
stèles du Sérapeum (aujourd’hui au Louvre) nous apprend qu’une
autre épouse d’Amasis, la reine Tentketa, avait un fils du nom de
Psammétik, considéré par E. de Rouge comme le successeur
d’Amasis.
Toujours est-il que l’Egypte n’a pas été prodigue de renseigne-
ments sur ce prince, qui ne serait pour nous qu’une entité des plus
minimes, sans le récit si attachant d’Hérodote. On sait la place impor-
tante que tiennent, dans ses Histoires, les événements qui précé-
dèrent et déterminèrent en quelque manière l'invasion perse. C’est
dans ce dessein qu’il visita l’Egypte, entre 460 et 450 avant Jésus-
Christ, c’est-à-dire de 65 à 75 ans après la mort de Psammétik III.
Les témoins oculaires de la guerre désastreuse que l’Egypte paya de
son indépendance ne manquaient pas ; mais comme l’imagination,
non plus, ne manquait ni aux Egyptiens, ni aux Grecs, le récit d'Hé-
rodote, exact dans ses grandes lignes historiques, n’est, il faut bien
le reconnaître, en ce qui concerne l’épisode consécutif à la défaite de
notre roi, qu’une légende héroïque digne de la scène de l’Opéra.
Après quarante-quatre ans de règne, Amasis, usurpateur du
trône d’Apriès, venait de mourir, et son fils Psamménite (notre
Psammétik) lui avait succédé au milieu de circonstances particuliè-
rement graves : le roi de Perse, Cambyse, à la tète d’une nombreuse
armée, et guidé par un transfuge du nom de Phanès, marchait sur
l’Égypte. Il avait à cœur, disait-on, de venger l’injure reçue d’Ama-
sis, à qui il avait demandé sa fille en mariage, et qui, au lieu de
celle-ci, lui avait envoyé la fille d’Apriès, Nitiritis. C’était un bien
mauvais calcul de la part d’un prince réputé le tyran le plus sage et
le plus avisé de son temps. Nitiritis révéla la supercherie à Cambyse
et l'incita à prendre les armes. Le choc eut lieu dans les environs de
Péluse. Les mercenaires cariens et ioniens dont se composait l’armée
du pharaon tinrent bon, mais, débordés par le nombre, se débandèrent
et coururent s’enfermer dans Memphis. Cambyse leur envoya par
le Nil, bien entendu, un vaisseau pour parlementer : mais à peine
ce vaisseau eut-il abordé, que la foule lurieuse accourut des rem-
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menus objets de collection, voilà tout ce qui nous avait conservé
jusqu’à ce jour son estampille. Le petit temple en question (H du
plan de Lepsius) avait été élevé par la reine Ankhnas, sœur d’Apriès,
qu’Amasis avait épousée pour légitimer son usurpation. Etait-elle la
mère de notre Psammétik? On serait tenté de le conclure du fait que
ce prince fit mettre la dernière main à l'édifice commencé par elle et
trouva tout naturel d’y associer son nom. Mais, d’autre part, une des
stèles du Sérapeum (aujourd’hui au Louvre) nous apprend qu’une
autre épouse d’Amasis, la reine Tentketa, avait un fils du nom de
Psammétik, considéré par E. de Rouge comme le successeur
d’Amasis.
Toujours est-il que l’Egypte n’a pas été prodigue de renseigne-
ments sur ce prince, qui ne serait pour nous qu’une entité des plus
minimes, sans le récit si attachant d’Hérodote. On sait la place impor-
tante que tiennent, dans ses Histoires, les événements qui précé-
dèrent et déterminèrent en quelque manière l'invasion perse. C’est
dans ce dessein qu’il visita l’Egypte, entre 460 et 450 avant Jésus-
Christ, c’est-à-dire de 65 à 75 ans après la mort de Psammétik III.
Les témoins oculaires de la guerre désastreuse que l’Egypte paya de
son indépendance ne manquaient pas ; mais comme l’imagination,
non plus, ne manquait ni aux Egyptiens, ni aux Grecs, le récit d'Hé-
rodote, exact dans ses grandes lignes historiques, n’est, il faut bien
le reconnaître, en ce qui concerne l’épisode consécutif à la défaite de
notre roi, qu’une légende héroïque digne de la scène de l’Opéra.
Après quarante-quatre ans de règne, Amasis, usurpateur du
trône d’Apriès, venait de mourir, et son fils Psamménite (notre
Psammétik) lui avait succédé au milieu de circonstances particuliè-
rement graves : le roi de Perse, Cambyse, à la tète d’une nombreuse
armée, et guidé par un transfuge du nom de Phanès, marchait sur
l’Égypte. Il avait à cœur, disait-on, de venger l’injure reçue d’Ama-
sis, à qui il avait demandé sa fille en mariage, et qui, au lieu de
celle-ci, lui avait envoyé la fille d’Apriès, Nitiritis. C’était un bien
mauvais calcul de la part d’un prince réputé le tyran le plus sage et
le plus avisé de son temps. Nitiritis révéla la supercherie à Cambyse
et l'incita à prendre les armes. Le choc eut lieu dans les environs de
Péluse. Les mercenaires cariens et ioniens dont se composait l’armée
du pharaon tinrent bon, mais, débordés par le nombre, se débandèrent
et coururent s’enfermer dans Memphis. Cambyse leur envoya par
le Nil, bien entendu, un vaisseau pour parlementer : mais à peine
ce vaisseau eut-il abordé, que la foule lurieuse accourut des rem-