Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 18.1897

DOI issue:
Nr. 1
DOI article:
Renan, Ary: Une nouvelle illustration des évangiles par M. James Tissot, 2
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.28027#0073

DWork-Logo
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
GAZETTE DES BEAUX-ARTS

62

peut-être essayé volontiers de transgresser les bornes fixées à l'ex-
pression de l'idée par la matière : il n'en a pas trouvé le moyen et
à vrai dire, ce moyen n’est pas à rechercher. La suggestion qui, par
de secrets effluves, fait communier la volonté du thaumaturge avec
l’âme des êtres soumis à son pouvoir ou avec les éléments, la
radiation indiscernable de l’Esprit ne sont figurables par aucun
procédé graphique. Notre artiste,, dont les convictions sont d’une
intime orthodoxie, a prêté aux minuscules tableaux qui représentent
les miracles de Jésus toute l’ampleur de sentiment susceptible de se
laisser inscrire en si peu d’espace. Les gouaches qui suivent le
texte des épisodes si beaux de la guérison des malades, de la tempête
calmée, de la pêche miraculeuse, appartiennent bien encore au cycle
pes études pénétrantes que l’auteur a faites de la vie orientale. Com-
parer la vignette où il n’a pas craint d’enfermer le prodigieux mystère
de Lazare se dressant dans son tombeau avec l’eau-forte de Rembrandt
serait faire acte d’une double mauvaise foi. M. J. Tissot ne serait-
il pas le premier à s’écrier, en sa probité : Domine, non sum dignus?

Où apparaît forcément le contact entre l’humanité faite à notre
image et les êtres surnaturels, c’est là où les anges interviennent.
M. J. Tissot n’a pas hésité à leur faire jouer le rôle de messagers
divins et de gardiens intangibles qu’exigent impérieusement la lettre
et l’esprit des Evangiles; mais il est heureusement sorti du type que
leur prête l'iconographie courante.

Le nom seul de ces acteurs secourables évoque en nous, de par
mille exemples, l'image de figuresjeunes, adorablement pures et vir-
ginales, pourvues d’ailes comme l’Eros païen et par là seulement dis-
tinctes de l’homme quant à la forme extérieure; tels les anges des
premières peintures de Giotto ou de Cimabuë et les anges des tableaux
de religion exécutés de nos jours. Hélas, depuis la Renaissance elle-
même, les figures d’anges ne sont que trop semblables à la pauvre
créature terrestre vers qui elles sont envoyées ! Leur essence imma-
térielle est, en quelque sorte, impossible à représenter dignement;
et ceci peut servir à expliquer le veto absolu qui a frappé, dans
toutes les religions orientales, la représentation figurée, laquelle, dans
la pensée judaïque, est purement une impiété, un blasphème. M. J.
Tissot n’a pas adopté le type à peu près universel de l’ange tel que
nous le voyons régner dans toutes les écoles. Sa propension naturelle
l’a induit à rechercher sous quels traits les croyants de la première
heure entrevoyaient la milice divine et, en vertu de présomptions
dont ce n’est pas ici le lieu de faire valoir la vraisemblance, il s’est
 
Annotationen