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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
de-lampe, lettres ornées, et vingt également aux Évangiles. Le reste,
en plus grand nombre, est exécuté par Le Barbier, assez lourdement,
sans aucun style, dans la manière naïve des petites piétés ordinaires,
et s’il transcrit une image antérieure, il ne manque point d’en dé-
figurer les visages et d’en alourdir les poses. Ceci, joint à une pratique
plutôt lourde, à des moyens d’aquarelle et de gouache assez rudi-
mentaires, laisse à Baudouin la supériorité incontestable. Lui aussi
cependant emprunte.
Il s’y croit obligé, vu son manque de préparation. Pour son
frontispice des Épîtres, où il groupe en des médaillons six des
apôtres du Christ, il prend à Y Ermite endormi de Yien la tète de
son saint Pierre. L'idée est singulière, car l’ermite de Yien n’est rien
moins qu’un saint; il a bu et s’est endormi sur son violon. Le reste
de cette grande page poussée au sombre, et dont les gouaches ont
souffert, a par moitié été pris à Vanloo, par moitié à Boucher.
Ce doit être la première tentée, Baudouin n’y est pas à l’aise, il se
demande où il va et surtout où il doit aller. Il se retrouve dans le
titre.
Là, il est bien redevenu lui. Son ange insexué, soutenant une
sphère bleue fleurdelisée et des branches de lys, emporté sur des
nuages tendres, dévêtu plus qu’à mi-jambe — une jambe de fille
potelée et grasse, — joli, d’une beauté de femme, c’est l’échappade, le
naturel qui crève les mailles du filet et se reprend. Non signé, ce
Cupidon de dix-huit ans, éveillé de mine, se pourrait rapprocher
des œuvres gravées d’après l’artiste, on aurait une précision ; mais il
a sa signature sur la même banderole qui porte aussi le millésime
du travail, 1767. Voilà dans son ensemble ce premier feuillet des
Épîtres, apparu à l’Exposition de 1767 sous le n° 76, et qui faisait
vis-à-vis au Coucher de la mariée.
La suite a conservé toute sa fraîcheur, c'est la preuve que Bau-
douin avait montré seulement le frontispice et le titre. Au folio 3, il a
campe en en-tête, dans une étourdissante grisaille, avec derrière lui
les accessoires tirés de Vien, un saint Paul en robe de chambre,
écrivant dans une pose imprévue.
Pour ses lettres ornées, le peintre a son modèle, et il s’en inspire
d'autant plus volontiers qu’il se montre filial. Boucher, son beau-
père, a ci-devant fourni à une illustration des Métamorphoses d Ovide
mille cupidonneries coquettes, et le genre dont il a troussé ses
lettrines est devenu la façon goûtée des gens à la mode. Baudouin
ne le copie certes pas. 11 lui demande seulement ses Cupidons.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
de-lampe, lettres ornées, et vingt également aux Évangiles. Le reste,
en plus grand nombre, est exécuté par Le Barbier, assez lourdement,
sans aucun style, dans la manière naïve des petites piétés ordinaires,
et s’il transcrit une image antérieure, il ne manque point d’en dé-
figurer les visages et d’en alourdir les poses. Ceci, joint à une pratique
plutôt lourde, à des moyens d’aquarelle et de gouache assez rudi-
mentaires, laisse à Baudouin la supériorité incontestable. Lui aussi
cependant emprunte.
Il s’y croit obligé, vu son manque de préparation. Pour son
frontispice des Épîtres, où il groupe en des médaillons six des
apôtres du Christ, il prend à Y Ermite endormi de Yien la tète de
son saint Pierre. L'idée est singulière, car l’ermite de Yien n’est rien
moins qu’un saint; il a bu et s’est endormi sur son violon. Le reste
de cette grande page poussée au sombre, et dont les gouaches ont
souffert, a par moitié été pris à Vanloo, par moitié à Boucher.
Ce doit être la première tentée, Baudouin n’y est pas à l’aise, il se
demande où il va et surtout où il doit aller. Il se retrouve dans le
titre.
Là, il est bien redevenu lui. Son ange insexué, soutenant une
sphère bleue fleurdelisée et des branches de lys, emporté sur des
nuages tendres, dévêtu plus qu’à mi-jambe — une jambe de fille
potelée et grasse, — joli, d’une beauté de femme, c’est l’échappade, le
naturel qui crève les mailles du filet et se reprend. Non signé, ce
Cupidon de dix-huit ans, éveillé de mine, se pourrait rapprocher
des œuvres gravées d’après l’artiste, on aurait une précision ; mais il
a sa signature sur la même banderole qui porte aussi le millésime
du travail, 1767. Voilà dans son ensemble ce premier feuillet des
Épîtres, apparu à l’Exposition de 1767 sous le n° 76, et qui faisait
vis-à-vis au Coucher de la mariée.
La suite a conservé toute sa fraîcheur, c'est la preuve que Bau-
douin avait montré seulement le frontispice et le titre. Au folio 3, il a
campe en en-tête, dans une étourdissante grisaille, avec derrière lui
les accessoires tirés de Vien, un saint Paul en robe de chambre,
écrivant dans une pose imprévue.
Pour ses lettres ornées, le peintre a son modèle, et il s’en inspire
d'autant plus volontiers qu’il se montre filial. Boucher, son beau-
père, a ci-devant fourni à une illustration des Métamorphoses d Ovide
mille cupidonneries coquettes, et le genre dont il a troussé ses
lettrines est devenu la façon goûtée des gens à la mode. Baudouin
ne le copie certes pas. 11 lui demande seulement ses Cupidons.