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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
maisons condamnées à mort, un véritable artiste, auquel tous se réfèrent, mais
qui n’a rien de commun avec eux, simples ouvriers, M. Rudolf Alt. Le « père
Alt», comme on l’appelle avec autant d’affection que d’irrévérencieuse familiarité,
est l’une des individualités les plus marquantes du Künstlerhaus. On peut dire de
lui qu’il a peint, s’y étant mis dès son jeune âge, tous les morceaux de pierre
historiques de l’Autriche. Or, son évidente originalité ne fait que s’accroître tous
les jours. Il laissera de la métropole Saint-Étienne, des pignons d’Innsbruck,
des églises alpestres des environs de Gastein, des représentations telles, qu’aucun
artiste autrichien ne les a jamais surpassées; cependant, la gloire de M. Alt est
toute locale; elle mériterait mieux. Les Peter Neefs, les Panini, les Hubert Ro-
bert, chacun selon leur tempérament, leurs goûts, leur pays et leur temps, n'ont
pas fait œuvre sensiblement différente de celle dont M. Alt dote l’Autriche
d’aujourd’hui. A cet aquarelliste, qu’on a comparé à l’un de ces derniers vieux
grands arbres des bords de la Wien que les travaux du nouveau chemin de fer
saccagent aujourd’hui, il faut adjoindre, pour son amour de motifs analogues, un
jeune aquafortiste d’avenir, M. Anton Kaiser, dont les grandes planches révèlent
des dons de mise en scène et une science de l’effet qui laissent bien loin der-
rière eux tout ce qui avait été jusqu’ici tenté dans ce genre en Autriche.
M. H. R. von Volkmann, de Carlsruhe, s’est fait un petit domaine charmant
d’un coin de Forêt-Noire, dont il peut dire que, s’il est petit, il est bien à lui, et
dont les rochers, les prés fleuris, les ruisselets vivaces, les ruines ébréchées
mettent en jeu ses dons de coloriste, excitent sa verve, lui fournissent des arran-
gements jusqu’ici imprévus, et des effets bizarres, au travers desquels passe,
comme dans la peinture de MM. Ury et Dettmann, l’influence des meilleurs im-
pressionnistes français et étrangers.
Notons encore, coup sur coup, un cap neigeux dans une mer boréale vio-
lette de M. Otto Sinding; une interprétation moderne, tirée de la vie de la haute
banque et de la haute gomme, de l'Enfant prodigue, par M. Josef Block, excellente
étude de noirs et de gris, avec un type de jeune viveur et de vieux père-noble,
très noble, pris sur le vif; puis, un curieux pastiche de la manière et des inven-
tions de M. Franz Stuck, par M. M. Zürcher, un Adam et une Ève japonaise
étendant nez à nez leur nudité de couleur orangée sous le circuit d’un serpent
indigo qui les réunit, comme une parenthèse; les claires fantaisies décoratives
de M. W. K. Masek; une prairie semée de vers luisants et une vieille voiture
jaune dans des prés verts de M. Dettmann ; enfin, quelques très bonnes aquarelles
de M. C. Pippich.
Si l’on ajoute à ces noms ceux d’une dizaine d’artistes que nous ne ferons
que citer ici, tels que MM. Palmié, Clemens von Pausinger, Zoff, Zetsche, Ribarz,
etc., leurs œuvres n’ayant rien de nouveau à nous apprendre, on peut affirmer
que le Salon viennois, beaucoup meilleur cette année que les précédentes,
n’offre, en somme, plus rien de vraiment remarquable. Pendant ce temps, l’œuvré
d’un artiste tel que le slovaque Uprka, se promène à Prague et à Brünn, et n’a
jamais encore été vue à Vienne, où l’on ignore également l’artiste décorateur
populaire des pays slaves, Mikulasch Alesch, dont l’exposition à Prague, l’an
passé, fut une révélation. En réfléchissant à ces choses et à quelques autres en-
core, on ne peut s’empêcher de se dire qu’avec un peu plus de cohésion, avec
un loyal abandon, dès qu'il s’agit d’art, de toute querelle de nationalité, et sur-
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maisons condamnées à mort, un véritable artiste, auquel tous se réfèrent, mais
qui n’a rien de commun avec eux, simples ouvriers, M. Rudolf Alt. Le « père
Alt», comme on l’appelle avec autant d’affection que d’irrévérencieuse familiarité,
est l’une des individualités les plus marquantes du Künstlerhaus. On peut dire de
lui qu’il a peint, s’y étant mis dès son jeune âge, tous les morceaux de pierre
historiques de l’Autriche. Or, son évidente originalité ne fait que s’accroître tous
les jours. Il laissera de la métropole Saint-Étienne, des pignons d’Innsbruck,
des églises alpestres des environs de Gastein, des représentations telles, qu’aucun
artiste autrichien ne les a jamais surpassées; cependant, la gloire de M. Alt est
toute locale; elle mériterait mieux. Les Peter Neefs, les Panini, les Hubert Ro-
bert, chacun selon leur tempérament, leurs goûts, leur pays et leur temps, n'ont
pas fait œuvre sensiblement différente de celle dont M. Alt dote l’Autriche
d’aujourd’hui. A cet aquarelliste, qu’on a comparé à l’un de ces derniers vieux
grands arbres des bords de la Wien que les travaux du nouveau chemin de fer
saccagent aujourd’hui, il faut adjoindre, pour son amour de motifs analogues, un
jeune aquafortiste d’avenir, M. Anton Kaiser, dont les grandes planches révèlent
des dons de mise en scène et une science de l’effet qui laissent bien loin der-
rière eux tout ce qui avait été jusqu’ici tenté dans ce genre en Autriche.
M. H. R. von Volkmann, de Carlsruhe, s’est fait un petit domaine charmant
d’un coin de Forêt-Noire, dont il peut dire que, s’il est petit, il est bien à lui, et
dont les rochers, les prés fleuris, les ruisselets vivaces, les ruines ébréchées
mettent en jeu ses dons de coloriste, excitent sa verve, lui fournissent des arran-
gements jusqu’ici imprévus, et des effets bizarres, au travers desquels passe,
comme dans la peinture de MM. Ury et Dettmann, l’influence des meilleurs im-
pressionnistes français et étrangers.
Notons encore, coup sur coup, un cap neigeux dans une mer boréale vio-
lette de M. Otto Sinding; une interprétation moderne, tirée de la vie de la haute
banque et de la haute gomme, de l'Enfant prodigue, par M. Josef Block, excellente
étude de noirs et de gris, avec un type de jeune viveur et de vieux père-noble,
très noble, pris sur le vif; puis, un curieux pastiche de la manière et des inven-
tions de M. Franz Stuck, par M. M. Zürcher, un Adam et une Ève japonaise
étendant nez à nez leur nudité de couleur orangée sous le circuit d’un serpent
indigo qui les réunit, comme une parenthèse; les claires fantaisies décoratives
de M. W. K. Masek; une prairie semée de vers luisants et une vieille voiture
jaune dans des prés verts de M. Dettmann ; enfin, quelques très bonnes aquarelles
de M. C. Pippich.
Si l’on ajoute à ces noms ceux d’une dizaine d’artistes que nous ne ferons
que citer ici, tels que MM. Palmié, Clemens von Pausinger, Zoff, Zetsche, Ribarz,
etc., leurs œuvres n’ayant rien de nouveau à nous apprendre, on peut affirmer
que le Salon viennois, beaucoup meilleur cette année que les précédentes,
n’offre, en somme, plus rien de vraiment remarquable. Pendant ce temps, l’œuvré
d’un artiste tel que le slovaque Uprka, se promène à Prague et à Brünn, et n’a
jamais encore été vue à Vienne, où l’on ignore également l’artiste décorateur
populaire des pays slaves, Mikulasch Alesch, dont l’exposition à Prague, l’an
passé, fut une révélation. En réfléchissant à ces choses et à quelques autres en-
core, on ne peut s’empêcher de se dire qu’avec un peu plus de cohésion, avec
un loyal abandon, dès qu'il s’agit d’art, de toute querelle de nationalité, et sur-