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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Dans un chapitre de ma monographie sur Melozzo da Forli1 où
il était question de la décoration murale de la chapelle Ovetari-Leoni,
à Sant’ Agostino degli Eremitani, à Padoue, j’avais déjà signalé autre-
fois la parenté des deux fresques supérieures auxquelles je fais allu-
sion avec la troisième fresque inférieure, signée du nom du maître.
Dans cette chapelle, au-dessus du grand diptyque de Mantegna repré-
sentant le Martyre de saint Christophe, dernier travail du maître en
ce lieu, qui doit avoir été terminé en 1458, on voit deux scènes de
la même légende, traitées par deux nouveaux aides qui paraissent
être survenus après la mort subite de Niccolô Pizzolo : Bono da Fer-
rara et Ansuino da Forli. A gauche, le géant est représenté faisant
traverser le fleuve au divin Enfant qui pèse lourdement sur ses
épaules ; au bas est la signature : opvs boni. A droite, on voit le saint,
une palme verte à la main, prêchant aux soldats assemblés dans la
cour du palais de l’empereur ; au bas, à droite : opvs ansyini. Cette
œuvre authentique suffit pleinement à faire neconnaître dans le pan-
neau d’Altenburg une autre création d’Ansuino.
La Vierge, tenant l’Enfant sur ses genoux, est vue de profil,
assise à gauche sur un banc de marbre, dans un jardin ; devant elle
est agenouillée une jeune fille, presque un enfant, au profil accen-
tué, également tournée à gauche et levant directement les yeux et
les mains vers PEnfant. Derrière elle, entre les arbres verdoyants
du jardin, saint Joseph, déjà âgé, est assis, tourné de trois quarts
vers le centre delà composition, le visage sérieux, les mains cachées
sous son manteau. A droite, le siège vide de sainte Catherine ; au
premier plan, devant les personnages, un parterre de fleurs encadré
d’une maçonnerie. En arrière s’élève la porte du jardin, en marbre
rouge de Vérone, formée d’un mince entablement posé sur deux
piliers quadrangulaires, du même goût antique dont s’inspira Dona-
tello en son retable de Saint-Antoine de Padoue. Trois petits anges
nus sont occupés à suspendre une guirlande de laurier, tandis qu’un
quatrième angelot, à droite, saisit la jambe de l’un d’eux, comme
s'il voulait le faire tomber; deux autres anges, au milieu, demi-
flottant, demi-dansant dans l’air, s’embrassent tendrement, derrière
les saints personnages, dont le groupe est dominé par celte étreinte
affectueuse ; enfin, au sommet de l’entablement, un autre robuste
putto, coiffé d’une calotte rouge, porte sur son dos un de ses cama-
rades, comme s’il voulait passer par-dessus les guirlandes et à travers
la bande des petits décorateurs.
1. Stuttgart, -i885, p. 305.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Dans un chapitre de ma monographie sur Melozzo da Forli1 où
il était question de la décoration murale de la chapelle Ovetari-Leoni,
à Sant’ Agostino degli Eremitani, à Padoue, j’avais déjà signalé autre-
fois la parenté des deux fresques supérieures auxquelles je fais allu-
sion avec la troisième fresque inférieure, signée du nom du maître.
Dans cette chapelle, au-dessus du grand diptyque de Mantegna repré-
sentant le Martyre de saint Christophe, dernier travail du maître en
ce lieu, qui doit avoir été terminé en 1458, on voit deux scènes de
la même légende, traitées par deux nouveaux aides qui paraissent
être survenus après la mort subite de Niccolô Pizzolo : Bono da Fer-
rara et Ansuino da Forli. A gauche, le géant est représenté faisant
traverser le fleuve au divin Enfant qui pèse lourdement sur ses
épaules ; au bas est la signature : opvs boni. A droite, on voit le saint,
une palme verte à la main, prêchant aux soldats assemblés dans la
cour du palais de l’empereur ; au bas, à droite : opvs ansyini. Cette
œuvre authentique suffit pleinement à faire neconnaître dans le pan-
neau d’Altenburg une autre création d’Ansuino.
La Vierge, tenant l’Enfant sur ses genoux, est vue de profil,
assise à gauche sur un banc de marbre, dans un jardin ; devant elle
est agenouillée une jeune fille, presque un enfant, au profil accen-
tué, également tournée à gauche et levant directement les yeux et
les mains vers PEnfant. Derrière elle, entre les arbres verdoyants
du jardin, saint Joseph, déjà âgé, est assis, tourné de trois quarts
vers le centre delà composition, le visage sérieux, les mains cachées
sous son manteau. A droite, le siège vide de sainte Catherine ; au
premier plan, devant les personnages, un parterre de fleurs encadré
d’une maçonnerie. En arrière s’élève la porte du jardin, en marbre
rouge de Vérone, formée d’un mince entablement posé sur deux
piliers quadrangulaires, du même goût antique dont s’inspira Dona-
tello en son retable de Saint-Antoine de Padoue. Trois petits anges
nus sont occupés à suspendre une guirlande de laurier, tandis qu’un
quatrième angelot, à droite, saisit la jambe de l’un d’eux, comme
s'il voulait le faire tomber; deux autres anges, au milieu, demi-
flottant, demi-dansant dans l’air, s’embrassent tendrement, derrière
les saints personnages, dont le groupe est dominé par celte étreinte
affectueuse ; enfin, au sommet de l’entablement, un autre robuste
putto, coiffé d’une calotte rouge, porte sur son dos un de ses cama-
rades, comme s’il voulait passer par-dessus les guirlandes et à travers
la bande des petits décorateurs.
1. Stuttgart, -i885, p. 305.