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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
un caractère presque masculin. Le costume, une robe d'un vert clair
avec des applications d’un rouge violacé, ne contribue que peu à
animer le tableau., par suite de la mesquinerie de l’étoffe et de la
maigreur des plis. Cependant, il ne peut y avoir aucun doute sur le
nom de Sandro Botticelli qui, justement à cette époque, exécutait les
fresques de grand style dont nous venons de parler. En vue d’une
série de portraits semblables, portraits où le peintre se pose le
problème de montrer la figure éclairée par deux ou trois fenêtres,
il serait superflu d’imaginer un Fra Diamantc que jusqu’ici nous
ne pouvons, même au moyen du tableau de la Nativité du Louvre,
dont je lui ai restitué la paternité1, créer de toutes pièces, faute de
plus amples documents.
Comme nous retrouvons souvent, à la Chapelle Sixtine, des tètes
de femmes semblables, surtout dans les fresques de Cosimo Rosselli
et dans celles de Luca Signorelli (et même une fois, semble-t-il,
dans Y Adoration du Veau d’or, cette figure en compagnie du jeune
Alphonse de Calabre), il en résulte l’impression que Catarina Sforza
fut un type de beauté pour les artistes qui vivaient à Rome et aux
environs, jusqu’à Forli, et qui avaient à peindre les saintes de la
légende chrétienne. Si déjà, de Sandro Botticelli à Cosimo Rosselli,
se remarque un affaiblissement notable des traits caractéristiques,
on comprendra le changement que dut subir, chez les Ombriens,
un pareil type, peut-être vu rapidement. Vasari raconte que le
Pérugin lui-même représenta la famille de ce neveu du pape dans
ses peintures murales de la Chapelle Sixtine ; c’est sûrement Ca-
tarina Sforza qu'il faut reconnaître dans la fille du Pharaon du
tableau de Moïse sauvé des eaux qui décorait la muraille où se trouve
l’autel et qui fut détruit pour faire place au Jugement dernier de
Michel-Ange.
Ces blondes figures de femmes sont encore rappelées ici par une
Sainte Madeleine portant un vase à parfums, qui, ainsi que son pen-
dant, Saint Jean-Baptiste, est attribuée à Andrea del Yerrocchio, mais
est sûrement une œuvre excellente de Fiorenzo di Lorenzo, peintre
fréquemment confondu avec le premier. Deux tableaux peuvent
appuyer cette attribution : la Madone au chardonneret de la collec-
tion Castellani, à Rome, qui, réclamée par moi dès 188 i pour Fio-
1. H. Ulmann, Fra Fiüippo Lippi und Fra Diamante als Lehrer Sandro Botti-
vellis, dissertion inaugurale, Breslau, 1890, p. 64. Voir la série de portraits dans
la monographie de H, Ulmann, Munich, 1893, p. 51-57.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
un caractère presque masculin. Le costume, une robe d'un vert clair
avec des applications d’un rouge violacé, ne contribue que peu à
animer le tableau., par suite de la mesquinerie de l’étoffe et de la
maigreur des plis. Cependant, il ne peut y avoir aucun doute sur le
nom de Sandro Botticelli qui, justement à cette époque, exécutait les
fresques de grand style dont nous venons de parler. En vue d’une
série de portraits semblables, portraits où le peintre se pose le
problème de montrer la figure éclairée par deux ou trois fenêtres,
il serait superflu d’imaginer un Fra Diamantc que jusqu’ici nous
ne pouvons, même au moyen du tableau de la Nativité du Louvre,
dont je lui ai restitué la paternité1, créer de toutes pièces, faute de
plus amples documents.
Comme nous retrouvons souvent, à la Chapelle Sixtine, des tètes
de femmes semblables, surtout dans les fresques de Cosimo Rosselli
et dans celles de Luca Signorelli (et même une fois, semble-t-il,
dans Y Adoration du Veau d’or, cette figure en compagnie du jeune
Alphonse de Calabre), il en résulte l’impression que Catarina Sforza
fut un type de beauté pour les artistes qui vivaient à Rome et aux
environs, jusqu’à Forli, et qui avaient à peindre les saintes de la
légende chrétienne. Si déjà, de Sandro Botticelli à Cosimo Rosselli,
se remarque un affaiblissement notable des traits caractéristiques,
on comprendra le changement que dut subir, chez les Ombriens,
un pareil type, peut-être vu rapidement. Vasari raconte que le
Pérugin lui-même représenta la famille de ce neveu du pape dans
ses peintures murales de la Chapelle Sixtine ; c’est sûrement Ca-
tarina Sforza qu'il faut reconnaître dans la fille du Pharaon du
tableau de Moïse sauvé des eaux qui décorait la muraille où se trouve
l’autel et qui fut détruit pour faire place au Jugement dernier de
Michel-Ange.
Ces blondes figures de femmes sont encore rappelées ici par une
Sainte Madeleine portant un vase à parfums, qui, ainsi que son pen-
dant, Saint Jean-Baptiste, est attribuée à Andrea del Yerrocchio, mais
est sûrement une œuvre excellente de Fiorenzo di Lorenzo, peintre
fréquemment confondu avec le premier. Deux tableaux peuvent
appuyer cette attribution : la Madone au chardonneret de la collec-
tion Castellani, à Rome, qui, réclamée par moi dès 188 i pour Fio-
1. H. Ulmann, Fra Fiüippo Lippi und Fra Diamante als Lehrer Sandro Botti-
vellis, dissertion inaugurale, Breslau, 1890, p. 64. Voir la série de portraits dans
la monographie de H, Ulmann, Munich, 1893, p. 51-57.