COPIES D’ORIGINAUX PERDUS DE GIORGIONE
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ou de plusieurs œuvres du maître ne nous permet pas de reconnaître
d’une vue directe. Il se peut aussi — c’est le cas actuel — que
l’élève ait copié le grand peintre, et que cet imitateur, à défaut d’un
style personnel, ait eu, comme Cariani, certains maniérismes ; il faut
alors connaître intimement ces maniérismes pour pouvoir en faire
abstraction et retrouver, en les écartant, l’œuvre de l’homme de
génie que la copie a modifiée dans le détail. Alors, si nous étions
nous-mêmes des artistes très doués, nous pourrions remplacer chaque
détail carianesque par un détail ’giorgionesque, emprunté aux œuvres
du maître les plus voisines. Ici, ce serait VApollon et Daphné qui
APOLLON ET DAPHNÉ, DE GIORGIONE
(Séminaire de Venise)
servirait d’étalon. Mais, n’étant pas des artistes,, nous devons nous
contenter d’opérer celte substitution parla pensée et ne reconstituer
l’œuvre^ à l’aide d’une traduction imparfaite, que par les yeux de
l’esprit. C’est peu de chose, peut-être; pour moi, c’est beaucoup et
une récompense suffisante de l’effort que je me suis imposé.
V
La soi-disant méthode historique a été, dans notre siècle, la
maîtresse du monde intellectuel. Nous lui devons, de ce chef, une
gratitude infinie. Mais elle a exercé une influence parfois fâcheuse
sur les études d’art. Ceux qui les poursuivent se sont de plus en
plus habitués à rechercher surtout les origines^ sans se demander si
celte recherche est vraiment bien importante en ce qui concerne
l’art en général ou tel artiste en particulier. Concentrer presque
exclusivement l’attention sur ce problème : comment un artiste est-
XVIII. — 3° PÉRIODE,
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ou de plusieurs œuvres du maître ne nous permet pas de reconnaître
d’une vue directe. Il se peut aussi — c’est le cas actuel — que
l’élève ait copié le grand peintre, et que cet imitateur, à défaut d’un
style personnel, ait eu, comme Cariani, certains maniérismes ; il faut
alors connaître intimement ces maniérismes pour pouvoir en faire
abstraction et retrouver, en les écartant, l’œuvre de l’homme de
génie que la copie a modifiée dans le détail. Alors, si nous étions
nous-mêmes des artistes très doués, nous pourrions remplacer chaque
détail carianesque par un détail ’giorgionesque, emprunté aux œuvres
du maître les plus voisines. Ici, ce serait VApollon et Daphné qui
APOLLON ET DAPHNÉ, DE GIORGIONE
(Séminaire de Venise)
servirait d’étalon. Mais, n’étant pas des artistes,, nous devons nous
contenter d’opérer celte substitution parla pensée et ne reconstituer
l’œuvre^ à l’aide d’une traduction imparfaite, que par les yeux de
l’esprit. C’est peu de chose, peut-être; pour moi, c’est beaucoup et
une récompense suffisante de l’effort que je me suis imposé.
V
La soi-disant méthode historique a été, dans notre siècle, la
maîtresse du monde intellectuel. Nous lui devons, de ce chef, une
gratitude infinie. Mais elle a exercé une influence parfois fâcheuse
sur les études d’art. Ceux qui les poursuivent se sont de plus en
plus habitués à rechercher surtout les origines^ sans se demander si
celte recherche est vraiment bien importante en ce qui concerne
l’art en général ou tel artiste en particulier. Concentrer presque
exclusivement l’attention sur ce problème : comment un artiste est-
XVIII. — 3° PÉRIODE,
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