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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 18.1897

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Nr. 5
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Lafenestre, Georges: M. Ernest Hébert, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.28027#0383

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354

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Titien, Rubens, Rembrandt, Delacroix, et de tous les vrais peintres,
et qui consiste, pour un tableau, en l’accord parfaitement lié, dans
toutes ses parties, de colorations justement appropriées à l’expression
du sujet.

La Malaria, sous ce rapport, marque, dans Dévolution de la
peinture moderne, une date importante. Qu’on veuille bien se rap-
peler, dans cet ordre d’idées, l’insuffisance des ouvrages antérieurs,
la sécheresse froide des silhouettes plastiques, chez Léopold Robert,
la dureté lourde des formes massives, chez Schnetz ! On reconnaîtra
alors ce que M. Hébert apportait à la fois de naturel et de sensibilité,
comme narrateur, de séduction et de puissance, comme peintre, dans
cette présentation nouvelle des paysans d’Italie, ces modèles tradi-
tionnels et rebattus, si souvent exploités, depuis Caravage et Hon-
thorst, Jean Miel et Pieter de Laar, par les septentrionaux plus encore
que par les méridionaux. Etait-ce par la vigueur du style ou l’éclat
du métier que le nouveau venu prétendait se distinguer de tant de
prédécesseurs? Assurément non. Les figures de la Malaria, modestes
et simples, ne visent au grand caractère ni par lès dimensions, ni par
l’exécution. On leur sut gré, précisément, de cette discrétion. Après
la longue lutte des classiques et des romantiques, l’imagination était
si lasse à la fois et du pédantisme tendu des premiers et des affecta-
tions romanesques des seconds, qu’elle ne demandait qu’à se reposer
parmi des sujets plus humbles et laissant croire à plus de sincérité.
C’était l'heure des grands succès pour les paysages et les paysan-
neries, pour Decamps, Corot, Théodore Rousseau, Millet, Jules Bre-
ton, etc. La Malaria sembla une paysannerie italienne, naturelle au
même titre que les paysanneries françaises, avec ce charme en plus
que le sujet était exotique, la mise en scène attendrissante, d’une
réalité incontestable, et qu’on y pouvait voir comme le résumé sym-
bolique des misères physiques et morales d'une vieille et noble race,
épuisée et sacrifiée, et qui semblait alors condamnée à une décré-
pitude incurable.

Oui de nous, d’un cœur dolent, qui de nous n’a suivi, quelque
jour, sur cette eau grise, lente et lourde, entre ces talus stériles,
sous l’écrasement du ciel plombé, la dérive insensible de ce grossier
radeau portant vers l'inconnu sa cargaison de fiévreux résignés? Que
de fatalités héréditaires de race et de climat nous semblaient peser
sur toutes ces victimes, la jeune mère qui frissonne en sa pelisse
brune, l’aïeule ridéé qui berce sur ses genoux l’enfant nu et rose,
le pâtre adolescent, déjà flétri, livide et absorbé dans son rêve
 
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