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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
et les imitateurs de Léonard, et qui sont toutes, sauf une seule,
basées sur la composition du tableau du Louvre.
La seule exception est, comme nous l’avons vu, le tableau de
Luini, maintenant à Milan, lequel est inspiré du carton de la Royal
Academy. Toutes les autres répliques, au nombre d’environ vingt-
cinq, dérivent de l’autre dessin. Cela prouve clairement que l’œuvre
la plus célèbre était, sinon le tableau du Louvre, du moins le car-
ton d'une composition identique.
Quelle preuve y a-t-il qu’un carton de ce genre ait existé? Nous
en avons deux décisives :
1° Une lettre adressée à Isabelle d'Este par son intendant à Flo-
rence et datée du 3 avril (1301), dans laquelle il est dit que Léonard,
alors à Florence, était en train de travailler à un carton de sainte
Anne, la A ierge, le Christ et un agneau. La lettre parle aussi du
sens symbolique de l’œuvreJ.
2° Le petit tableau de Raphaël, maintenant au Musée de Ma-
drid et daté de 1507, est une adaptation évidente de la disposition
des figures telle que nous la trouvons dans le tableau du Louvre.
Nous avons, de plus, le témoignage de Yasari que Raphaël, durant
sa visite à Florence, s’inspira de l’œuvre de Léonard et l’étudia de
près. Donc, en 1507, le symbole que rêvait Léonard et qui prit corps
dans son tableau du Louvre (qui date, comme nous le verrons, de
1316), existait déjà, et nous avons tout lieu de croire que le carton
mentionné dans la lettre de 1501 inspira Raphaël pour son petit ta-
bleau. S'il en est ainsi, le carton de Léonard était encore à Florence
en 1506 ou 1507.
Et maintenant, appelons Vasari à notre aide. On observera que
jusqu’ici aucune mention n’a été faite de la description pittoresque
de Yasari où l'auteur nous représente tout Florence — jeunes et
vieux — défilant en pèlerinage solennel devant le carton de Sainte
Anne à peine achevé. Beaucoup d’écrivains ont pris plaisir à affir-
mer que ce carton qui, suivant Vasari, était si célèbre et se trouvait
parmi les plus belles œuvres de Léonard, était le même que celui
de la Royal Academy. Affirmer cela était chose naturelle, puisqu’on
ne connaissait l’existence d’aucun autre carton de Léonard. Mais
nous avons justement montré qu’un autre carton, celui auquel
Léonard travaillait à Florence en 1501, existait, et nous n’hésitons
pas à affirmer que c’est de cet autre carton que parle A asari, et
1. Publié par M. Ch. Yriarte dans laGazettc clés Beaux-Arts, 1888, p. 123, et re-
produit par M. E. Müntz (Chronique des Arts du 5 décembre 1891, p. 293).
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
et les imitateurs de Léonard, et qui sont toutes, sauf une seule,
basées sur la composition du tableau du Louvre.
La seule exception est, comme nous l’avons vu, le tableau de
Luini, maintenant à Milan, lequel est inspiré du carton de la Royal
Academy. Toutes les autres répliques, au nombre d’environ vingt-
cinq, dérivent de l’autre dessin. Cela prouve clairement que l’œuvre
la plus célèbre était, sinon le tableau du Louvre, du moins le car-
ton d'une composition identique.
Quelle preuve y a-t-il qu’un carton de ce genre ait existé? Nous
en avons deux décisives :
1° Une lettre adressée à Isabelle d'Este par son intendant à Flo-
rence et datée du 3 avril (1301), dans laquelle il est dit que Léonard,
alors à Florence, était en train de travailler à un carton de sainte
Anne, la A ierge, le Christ et un agneau. La lettre parle aussi du
sens symbolique de l’œuvreJ.
2° Le petit tableau de Raphaël, maintenant au Musée de Ma-
drid et daté de 1507, est une adaptation évidente de la disposition
des figures telle que nous la trouvons dans le tableau du Louvre.
Nous avons, de plus, le témoignage de Yasari que Raphaël, durant
sa visite à Florence, s’inspira de l’œuvre de Léonard et l’étudia de
près. Donc, en 1507, le symbole que rêvait Léonard et qui prit corps
dans son tableau du Louvre (qui date, comme nous le verrons, de
1316), existait déjà, et nous avons tout lieu de croire que le carton
mentionné dans la lettre de 1501 inspira Raphaël pour son petit ta-
bleau. S'il en est ainsi, le carton de Léonard était encore à Florence
en 1506 ou 1507.
Et maintenant, appelons Vasari à notre aide. On observera que
jusqu’ici aucune mention n’a été faite de la description pittoresque
de Yasari où l'auteur nous représente tout Florence — jeunes et
vieux — défilant en pèlerinage solennel devant le carton de Sainte
Anne à peine achevé. Beaucoup d’écrivains ont pris plaisir à affir-
mer que ce carton qui, suivant Vasari, était si célèbre et se trouvait
parmi les plus belles œuvres de Léonard, était le même que celui
de la Royal Academy. Affirmer cela était chose naturelle, puisqu’on
ne connaissait l’existence d’aucun autre carton de Léonard. Mais
nous avons justement montré qu’un autre carton, celui auquel
Léonard travaillait à Florence en 1501, existait, et nous n’hésitons
pas à affirmer que c’est de cet autre carton que parle A asari, et
1. Publié par M. Ch. Yriarte dans laGazettc clés Beaux-Arts, 1888, p. 123, et re-
produit par M. E. Müntz (Chronique des Arts du 5 décembre 1891, p. 293).