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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 18.1897

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Nr. 5
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Bouchot, Henri: Charges d'Horace Vernet d'aprés ses confrères de l'Institut
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https://doi.org/10.11588/diglit.28027#0429

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

pas rire, sans compter les rois ! Imaginez que Lebrun a fait des char-
ges, qu’Isabey en a osé d’énormes, que Gros, que Prud'hon lui-même
n’ont point échappé à l’aventure b Un même besoin de redevenir un
peu gamin prend à un moment l'homme grave : s’il est allemand,
son rire est lourd ; s'il est français, il rit de franc jeu et s’abandonne.

Sur les personnes, la charge ne devient réellement drôle et
acceptée que lorsque les intéressés sont défunts. Telles gens eussent
réputé une indécence la caricature de citoyens honorés, qui s'accor-
dent à en sourire dix ou quinze ans après la mort des modèles.
Quand M. Buisson croquait en des poses plus ou moins biscornues
et drolatiques ses confrères de l'Assemblée nationale de 1871, il ne
reçut pas que des applaudissements. Il est rare qu’on se voie ridi-
cule, et l'homme qui s’en vient exposer vos petites tares est bien
rarement l’ami qu’on recherche. Plus il y a d’esprit, plus la charge
déplaît au modèle ; c’est de règle absolue.

Horace Vernet aussi a fait la charge, et bien amusante, comme
nous l'allons voir. Chez lui, la tournure caricaturale était plus d’ori-
gine et déconcerte moins ; son père Carie en savait jouer mieux que
personne. Malgré tout, ce ne fut point dans la première jeunesse
qu'Horace l’avait tentée ; il avait attendu l’âge mûr, un peu les
cheveux gris ; il lui avait fallu, pour qu'il s’en amusât, l’antithèse
de ses travaux officiels, plutôt classiques. Et le groupe auquel il
s’attaquait ainsi, ses confrères de l’Académie des Beaux-Arts, n’eût
peut-être que médiocrement goûté ses croquis malicieux au cas
qu’il les eût révélés. Plusieurs viennent de l’Empire : ce sont des
croyants, des hiérarchiques^ un peu déroutés par les changements
de régime, dont les talents se sont enrégimentés sur le patron
de la grande armée. Aussi Vernet n’a-t-il aucune envie de les con-
trister. Les charges qu’il fait d’eux pendant les séances, au galop
de ses impressions, il n’a garde de les montrer, et il n'en fait autre-
ment cas ; d’où leur particulière saveur, leur ragoût de croquis jetés
sans aucun souci de la galerie, pour le plaisir d’occuper son temps,
pour le besoin que je disais de redevenir petit garçon une heure ou
deux. Maintenant, nous rions de ces figurines, sans que les victimes
en soient amoindries; Vernet n'égratignait ni ne ridiculisait : il for-
çait simplement le vrai au point de le rendre plus vraisemblable.
Comparons ces charges aux portraits de Boilly ou d’autres : com-
bien ne sentons-nous pas les physionomies plus sincères ?

J. De Prud’hon, je citerai une charge de Laréveillère-Lépeaux conservée
au Cabinet des estampes.
 
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