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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
savait vivre de peu, il n'était pas en peine pour se tirer d’affaire.
Il partit donc pour l'Italie, où il passa trois ou quatre années qui
comptent parmi les plus heureuses et les mieux remplies de son
existence. « Tout concourait, disait-il plus tard, à rendre l'étude
fructueuse. Tous ceux qui étaient là n'y étaient que pour étudier et
admirer. Aucune autre préoccupation. On ne pensait même pas au
parti qu’on pourrait tirer des études qu’on faisait. C'était vraiment
le bon temps! » L’artiste avait été subjugué par la beauté de la cam-
pagne romaine et il s’était mis au travail avec une ardeur et une téna-
cité extraordinaires, amassant dans ses cartons ces aquarelles et ces
dessins à la plume, légèrement lavés d’encre de Chine, depuis si
recherchés des amateurs. Il était devenu maître dans ce dernier pro-
cédé, qui lui permettait de donner aux détails une précision extrême,
tout en indiquant largement les valeurs principales. Les ruines par-
semées dans les vastes solitudes, les villas voisines de Rome, la
villa Borghèse surtout, Ariccia et son parc abandonné, Albano,
Tivoli, le lac Nemi ou les villages aux silhouettes austères perdus
dans la montagne, l’attiraient tour à tour.
Français, en rentrant à Paris, y rapportait une riche moisson
d’études et, ce qui valait mieux, avec un talent déjà fait, le désir
toujours plus impérieux d’arriver au style par une recherche sévère
de la forme. Au lieu de vivre sur le fonds qu'il avait acquis, il ne
cessait pas de se retremper dans l'étude persévérante de la nature.
Cherchant à dégager les traits vraiment caractéristiques des contrées
que, tour à tour, il visitait, il s’appliquait à rendre la diversité in-
finie que le cours des saisons, les différentes heures du jour et les
mouvements incessants de l’atmosphère, amènent dans la physio-
nomie du paysage. 11 croyait qu’à force de sincérité l'artiste peut
trouver partout des impressions qui méritent d’être exprimées et
passer, comme il le disait lui-même, « de Tibur aux bords de la
Marne ». Quelques ligures, toujours bien posées et très franchement
indiquées, Laid lient à préciser la signification des motifs qu'il avait
choisis : un moissonneur rebattant sa faux, des femmes remuant le
foin coupé, des pêcheurs dans une barque, des bûcherons abattant un
arbre, des citadins se promenant au soleil par une belle après-midi
d’automne. A côté de ses souvenirs d’Italie, qui lui inspiraient plu-
sieurs tableaux, il peignait successivement les landes sauvages de la
Bretagne ; la Vallée de Munster avec les clartés riantes d’une jolie
journée d’hiver et un groupe de chasseurs se chauffant autour d’un
feu allumé, près de la bonde d’un étang couvert de glace ; les Hêtres
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
savait vivre de peu, il n'était pas en peine pour se tirer d’affaire.
Il partit donc pour l'Italie, où il passa trois ou quatre années qui
comptent parmi les plus heureuses et les mieux remplies de son
existence. « Tout concourait, disait-il plus tard, à rendre l'étude
fructueuse. Tous ceux qui étaient là n'y étaient que pour étudier et
admirer. Aucune autre préoccupation. On ne pensait même pas au
parti qu’on pourrait tirer des études qu’on faisait. C'était vraiment
le bon temps! » L’artiste avait été subjugué par la beauté de la cam-
pagne romaine et il s’était mis au travail avec une ardeur et une téna-
cité extraordinaires, amassant dans ses cartons ces aquarelles et ces
dessins à la plume, légèrement lavés d’encre de Chine, depuis si
recherchés des amateurs. Il était devenu maître dans ce dernier pro-
cédé, qui lui permettait de donner aux détails une précision extrême,
tout en indiquant largement les valeurs principales. Les ruines par-
semées dans les vastes solitudes, les villas voisines de Rome, la
villa Borghèse surtout, Ariccia et son parc abandonné, Albano,
Tivoli, le lac Nemi ou les villages aux silhouettes austères perdus
dans la montagne, l’attiraient tour à tour.
Français, en rentrant à Paris, y rapportait une riche moisson
d’études et, ce qui valait mieux, avec un talent déjà fait, le désir
toujours plus impérieux d’arriver au style par une recherche sévère
de la forme. Au lieu de vivre sur le fonds qu'il avait acquis, il ne
cessait pas de se retremper dans l'étude persévérante de la nature.
Cherchant à dégager les traits vraiment caractéristiques des contrées
que, tour à tour, il visitait, il s’appliquait à rendre la diversité in-
finie que le cours des saisons, les différentes heures du jour et les
mouvements incessants de l’atmosphère, amènent dans la physio-
nomie du paysage. 11 croyait qu’à force de sincérité l'artiste peut
trouver partout des impressions qui méritent d’être exprimées et
passer, comme il le disait lui-même, « de Tibur aux bords de la
Marne ». Quelques ligures, toujours bien posées et très franchement
indiquées, Laid lient à préciser la signification des motifs qu'il avait
choisis : un moissonneur rebattant sa faux, des femmes remuant le
foin coupé, des pêcheurs dans une barque, des bûcherons abattant un
arbre, des citadins se promenant au soleil par une belle après-midi
d’automne. A côté de ses souvenirs d’Italie, qui lui inspiraient plu-
sieurs tableaux, il peignait successivement les landes sauvages de la
Bretagne ; la Vallée de Munster avec les clartés riantes d’une jolie
journée d’hiver et un groupe de chasseurs se chauffant autour d’un
feu allumé, près de la bonde d’un étang couvert de glace ; les Hêtres