492
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
En 1801 parut leur Recueil cle décorations, intérieures, compre-
nant tout ce qui a rapport à Vameublement. On y retrouve les élé-
ments décoratifs de Piranesi : ce sont les mêmes idées, mais mises en
œuvre avec un goût, avec une sobriété toute française. Percier et
Fontaine connurent très certainement les planches de l’Italien e( s’en
inspirèrent, mais ils n’eurent pas comme lui à présenter et à justifier
une théorie nouvelle. Le style était créé; ils ne cherchèrent qu’à le
développer et à le mettre au point du tempérament français. Dans
la seconde édition de ce même Recueil (Didot, 1812), ils expliquent
leurs intentions dans un Discours préliminaire : « Notre ambition
serait satisfaite, si nous pouvions nous flatter d’avoir concouru à
répandre et à maintenir dans une matière aussi variable, aussi sou-
mise aux vicissitudes de l'opinion et du caprice, les principes du
goût que nous avons puisés dans l’antiquité. Malgré l’espèce
d’empire que le goût de l’antique semble avoir pris depuis quelques
années, nous ne pouvons nous dissimuler qu’il ne doive en grande
partie cet ascendant au pouvoir que la mode exerce chez les peuples
modernes... Nous le répétons, notre intention est moins de produire
dans cet ouvrage le fruit de nos travaux, que de concourir, par notre
exemple, à lutter contre l’esprit de mode qui dédaigne ce qui est
parce qu'il a été, et contre l’esprit d’innovation, qui n'admire que ce
qui n’a pas été. » Comme on le voit, ils ne revendiquaient aucune
part dans la création des formes nouvelles. Leur ambition n’allait
pas plus loin qu’à améliorer une mode qu’ils avaient trouvée tout
établie, mais l’appoint de leur autorité et de leur tact n’en fut pas
moins indispensable à la consécration officielle d’une idée vieille de
trente ans.
Assurément, ni le style de Piranesi, ni, à plus forte raison, celui
de Percier et Fontaine inspirés directement de l’antique, n’occupent
dans l’histoire de l’art une place analogue à celui de Louis X\ ; il
leur manque cette originalité initiale du thème décoratif qui donne
tant de prix à l’art du xviiU siècle. Mais il n’était peut-être pas sans
intérêt de constater, une fois de plus, avec quelle lenteur toute idée
nouvelle se propage, et de confirmer, par un exemple, cette véné-
rable vérité : que toute invention, pour se faire accepter, a besoin
d’être inventée plusieurs fois.
U ASTON SCHÉFER
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
En 1801 parut leur Recueil cle décorations, intérieures, compre-
nant tout ce qui a rapport à Vameublement. On y retrouve les élé-
ments décoratifs de Piranesi : ce sont les mêmes idées, mais mises en
œuvre avec un goût, avec une sobriété toute française. Percier et
Fontaine connurent très certainement les planches de l’Italien e( s’en
inspirèrent, mais ils n’eurent pas comme lui à présenter et à justifier
une théorie nouvelle. Le style était créé; ils ne cherchèrent qu’à le
développer et à le mettre au point du tempérament français. Dans
la seconde édition de ce même Recueil (Didot, 1812), ils expliquent
leurs intentions dans un Discours préliminaire : « Notre ambition
serait satisfaite, si nous pouvions nous flatter d’avoir concouru à
répandre et à maintenir dans une matière aussi variable, aussi sou-
mise aux vicissitudes de l'opinion et du caprice, les principes du
goût que nous avons puisés dans l’antiquité. Malgré l’espèce
d’empire que le goût de l’antique semble avoir pris depuis quelques
années, nous ne pouvons nous dissimuler qu’il ne doive en grande
partie cet ascendant au pouvoir que la mode exerce chez les peuples
modernes... Nous le répétons, notre intention est moins de produire
dans cet ouvrage le fruit de nos travaux, que de concourir, par notre
exemple, à lutter contre l’esprit de mode qui dédaigne ce qui est
parce qu'il a été, et contre l’esprit d’innovation, qui n'admire que ce
qui n’a pas été. » Comme on le voit, ils ne revendiquaient aucune
part dans la création des formes nouvelles. Leur ambition n’allait
pas plus loin qu’à améliorer une mode qu’ils avaient trouvée tout
établie, mais l’appoint de leur autorité et de leur tact n’en fut pas
moins indispensable à la consécration officielle d’une idée vieille de
trente ans.
Assurément, ni le style de Piranesi, ni, à plus forte raison, celui
de Percier et Fontaine inspirés directement de l’antique, n’occupent
dans l’histoire de l’art une place analogue à celui de Louis X\ ; il
leur manque cette originalité initiale du thème décoratif qui donne
tant de prix à l’art du xviiU siècle. Mais il n’était peut-être pas sans
intérêt de constater, une fois de plus, avec quelle lenteur toute idée
nouvelle se propage, et de confirmer, par un exemple, cette véné-
rable vérité : que toute invention, pour se faire accepter, a besoin
d’être inventée plusieurs fois.
U ASTON SCHÉFER