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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
poussé, il n'est jamais que très secondaire dans des pays où es
tableaux et les dessins se comptent par milliers, tandis que c’est l’in-
verse en Orient.
Beaucoup de miniatures orientales nous sont parvenues dans un
état assez lamentable. Sans compter les accidents auxquels sont
exposés les livres, dont on ne prend qu’un soin tout relatif, en les
jetant pêle-mêle dans des caisses nommées sandouks, ou encore en
les cachant dans les caves où ils sont dévorés par quantité d’ani-
maux, il y a des causes de détérioration purement volontaires.
On a vu que, pour les musulmans rigoureux, la reproduction
des êtres vivants est une œuvre défendue. Il est arrivé que des gens
très rigoureux, trouvant des miniatures dans un manuscrit, se sont
empressés de les gratter on de les effacer. Une des miniatures les
plus anciennes que l’on connaisse se trouve dans un exemplaire de
l'histoire deDjingiz Khan, connue sous le nom d'Histoire du Conqué-
rant du Monde ; elle représentait l’auteur de l’ouvrage, Ala ed Din
Atha Melik offrant l’exemplaire original de sa chronique à l’empe-
reur mongol. Il est très probable que les deux figures étaient les
portraits authentiques des deux personnages. A une époque inconnue,
mais qui doit déjà être ancienne, un des possesseurs du livre a cher-
ché à effacer la tète d’Ala ed Din et de son souverain ; cette rage de
destruction ne s’est pas arrêtée là ; on a fait disparaître par le même
procédé la tête du cheval de l’empereur et même celle d’une sorte
de faucon volant au-dessus de la scène.
On pourrait citer nombre de belles miniatures ayant souffert
de ce fanatisme aveugle, qui ne respectait pas même les productions
les plus parfaites et les plus anciennes de l’art musulman. Dans
d’autres cas, il est arrivé que des peintures, à demi effacées par le temps
ou l'humidité, ont subi une singulière restauration, pour ne pas dire
une mutilation absurde : les figures des personnages ont été ornées de
moustaches gigantesques ou de barbes hirsutes ; dans l’un des plus
beaux manuscrits de la Bibliothèque Nationale, un lecteur chrétien
a ajouté des croix au cou d’une dame indienne occupée à sa toilette
et de ses suivantes.
Il arrive assez souvent que l’on trouve dans un livre très bien
conservé une miniature dont la licence a scandalisé quelque puritain
musulman et qui a été à demi effacée. Ce n’est point cependant,
qu’en général, les miniatures orientales soient licencieuses, les
artistes persans représentant plus volontiers les scènes légères que
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
poussé, il n'est jamais que très secondaire dans des pays où es
tableaux et les dessins se comptent par milliers, tandis que c’est l’in-
verse en Orient.
Beaucoup de miniatures orientales nous sont parvenues dans un
état assez lamentable. Sans compter les accidents auxquels sont
exposés les livres, dont on ne prend qu’un soin tout relatif, en les
jetant pêle-mêle dans des caisses nommées sandouks, ou encore en
les cachant dans les caves où ils sont dévorés par quantité d’ani-
maux, il y a des causes de détérioration purement volontaires.
On a vu que, pour les musulmans rigoureux, la reproduction
des êtres vivants est une œuvre défendue. Il est arrivé que des gens
très rigoureux, trouvant des miniatures dans un manuscrit, se sont
empressés de les gratter on de les effacer. Une des miniatures les
plus anciennes que l’on connaisse se trouve dans un exemplaire de
l'histoire deDjingiz Khan, connue sous le nom d'Histoire du Conqué-
rant du Monde ; elle représentait l’auteur de l’ouvrage, Ala ed Din
Atha Melik offrant l’exemplaire original de sa chronique à l’empe-
reur mongol. Il est très probable que les deux figures étaient les
portraits authentiques des deux personnages. A une époque inconnue,
mais qui doit déjà être ancienne, un des possesseurs du livre a cher-
ché à effacer la tète d’Ala ed Din et de son souverain ; cette rage de
destruction ne s’est pas arrêtée là ; on a fait disparaître par le même
procédé la tête du cheval de l’empereur et même celle d’une sorte
de faucon volant au-dessus de la scène.
On pourrait citer nombre de belles miniatures ayant souffert
de ce fanatisme aveugle, qui ne respectait pas même les productions
les plus parfaites et les plus anciennes de l’art musulman. Dans
d’autres cas, il est arrivé que des peintures, à demi effacées par le temps
ou l'humidité, ont subi une singulière restauration, pour ne pas dire
une mutilation absurde : les figures des personnages ont été ornées de
moustaches gigantesques ou de barbes hirsutes ; dans l’un des plus
beaux manuscrits de la Bibliothèque Nationale, un lecteur chrétien
a ajouté des croix au cou d’une dame indienne occupée à sa toilette
et de ses suivantes.
Il arrive assez souvent que l’on trouve dans un livre très bien
conservé une miniature dont la licence a scandalisé quelque puritain
musulman et qui a été à demi effacée. Ce n’est point cependant,
qu’en général, les miniatures orientales soient licencieuses, les
artistes persans représentant plus volontiers les scènes légères que