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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 21.1899

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Nr. 1
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Renan, Ary: Gustave Moreau, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24685#0014

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8 GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Aujourd’hui, l’atelier est devenu musée. Des centaines de com-
positions, des milliers de dessins et d’aquarelles nous racontent les
travaux et les jours du maître. Il a décidé que sa demeure privée
s’ouvrirait publiquement à l’étude ; il a entendu nous léguer l’ensei-
gnement moral de son exemple et la confession de son effort tout
entier. Toujours préoccupé de la brièveté de la vie, il a pris ses pré-
cautions pour nous éviter les moindres malentendus, jusqu’à inscrire
la mention : « En voie d’exécution » sur les toiles inachevées, mais
non point abandonnées, jusqu’à classer ses dessins, ses calques méti-
culeusement. Certainement, il s’est investi d’une tâche, il a voulu
assurer les principes qu'il chérissait et nous laisser le manifeste d’un
art renouvelé.

Orgueil supérieur d’une âme ardente et constante en ses élans :
lorsque le marquis de Chennevières vint lui proposer, en 1874, de
décorer la chapelle de la Vierge au Panthéon, alors église Sainte-
Geneviève, il refusa, pensant que sa mission n’était pas là, que la
contrainte du genre imposé le stériliserait. Il eût fallu cent ans,
cependant, pour qu’il réalisât les projets ébauchés en sa maturité, et
la vieillesse même exalta l’essor de son énergie créatrice.

La famille de Gustave Moreau ne disposait que de ressources
fort médiocres. Après des essais timidement romantiques dans la
peinture de genre, le jeune peintre fut admis à l’atelier de Picot, où
l’enseignement officiel mit ses instincts en révolte contre les for-
mules mesquines de l’école et de l’Académie. Son esprit était cul-
tivé, sans que ni ses études classiques ni jamais ses lectures aient
été celles d’un érudit. En réalité. Moreau regarda les maîtres avide-
ment, et cependant se forma seul; mais il faut s’entendre sur ces
mots. On se figure banalement que les artistes se forment unique-
ment par les yeux et par l’imitation; on dira, par exemple, que
Puvis de Ghavannes trouva sa voie devant les fresques d’Italie,
devant FraxVngelico et les Primitifs, ou bien que Moreau subit l’ob-
session de Mantegna. Voilà qui est dit trop vite : le premier ne con-
nut rien du grand art mural de la Renaissance et, quand il étudiait,
l’école des Primitifs était tout à fait ignorée ; le second fut toujours
foncièrement éclectique et n’eut aucune prédilection pour le maître
padouan, avec lequel il n’a vraiment que de spécieuses analogies.

Un voyage de deux ans en Italie (1858-1860) lui fit connaître
Florence, Venise, Rome et Naples ; après avoir copié sans choix au
Louvre, il copia là-bas des Garpaccio, des Raphaël, un Velâzquez;
 
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