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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 21.1899

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Nr. 1
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Renan, Ary: Gustave Moreau, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24685#0021

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GAZETTE UES BEAUX-ARTS

sereines compositions de Gustave Moreau distillent, pour la plupart,
une poésie attendrie dont les éléments sont simples, dont les asso-
nances sont caressantes ou graves comme les vers d’un Ovide ou
d’un Racine. Elles ont la saveur du miel attique. Plus tard, l’ima-
gination s’émancipe, la critique exerce un moindre contrôle. La
complication du décor devient de plus en plus grande. Partout il
ajoute des adjuvants symphoniques, faisant choix d’accessoires
significatifs, exprimant du sujet son nectar ultime. L’ornement foi-
sonne en pyramides; les plans se superposent, les sites se creusent,
se découpent, les échafaudements se multiplient et le sortilège est
partout. Reprenant ses œuvres de jeunesse, l’artiste ajoute de la toile
au bas du châssis, pour qu’on entre pour ainsi dire de plain pied sur
la scène du drame élargi. On pense involontairement à cette fin de
la Tentation de saint Antoine où Flaubert nous montre l’ermite
assistant, dans une dernière épreuve, à la naissance de la vie :

« Les végétaux maintenant ne se distinguent plus des animaux,
des polypiers qui ont l’air de sycomores portent des bras sur leurs
branches... Des insectes pareils à des pétales de roses garnissent un
arbuste... Et puis les plantes se confondent avec les pierres... Enfin,
il aperçoit de petites masses globuleuses, garnies de cils tout autour.
Une vibration les agite. — «Je voudrais, s’écrie Antoine délirant, avoir
«des ailes, une carapace, une écorce, me diviser partout, être en tout,
» m’émaner avec les odeurs,me développer comme les plantes, couler
«comme l’eau, vibrer comme le son, briller comme la lumière, péné-
«trer chaque atome, descendre jusqu’au fond de la matière,, — être la
» matière ! »

Un élément exotique est venu, petit à petit, modifier, sans la
corrompre, la pureté initiale des thèmes mythologiques où Moreau
s’abreuvait, comme à une source de Jouvence : l’alliage oriental.

Nous serions porté à dater l’événement de l’Exposition
universelle de 1878, si les curiosités latentes d’un artiste aussi
inquiet n’avaient pas été dirigées déjà vers la patrie de tous les
symboles, vers l’Asie. IJ est, en effet, à remarquer que les arts de
l’Asie reculée, vierges jusqu’alors, se virent livrés vers ce temps à
l’examen universel ; ce n’est guère que depuis une vingtaine
d’années que les documents scientifiques intéressant la Perse,
l’Inde, l’Extrême-Orient, sont tombés dans le domaine public sous
des formes variées : miniatures persanes, levés d’architecture
moresque, arabe et hindoue, étoffes et bronzes de Chine ou du Japon,
 
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